La porte de Janvier, ou le printemps espéré (épisode 3)
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Cet article est le 3° épisode d'une série : le premier est ICI, et le second ICI, clic.
Ancienne croyance ? Origine ?
Ovide raconte que Janus est aussi vieux que le monde, il vient du Chaos des Grecs. Le chaos cosmique primordial, lorsque l’air, la terre, l’eau et le feu étaient encore confondus. De cette matière originelle se dégagea le corps de Janus, qui porte ses deux visages comme un reste de la confusion originelle. Il associe aussi Janus à Saturne, un dieu des origines.
Chaos, confusion originelle ?
Le combat de carnaval et de carême, Brueghel l'ancien , 1559
De janus au carnaval
Maintenant que nous avons franchi cette porte, nous sommes entrés dans le cycle du carnaval. De nos jours, les célébrations en sont essentiellement réduites à la semaine du Mardi gras, mais autrefois elles commençaient le lendemain de la fête des rois, voire le lendemain de Noël. En Allemagne, la période du carnaval débute le 11 novembre à 11 heures 11... Mais là, le chiffre 11 nous entraînerait trop loin. Revenons à nos moutons, ou plutôt à nos ânes... oui, nos ânes.
De l'âne de la crèche aux fêtes licencieuses (hé bé!)
Les Saturnales, fêtes romaines, tout comme les calendes de Janus (premiers jours de la nouvelle lune de janvier), sont à l’origine de la fête des fous ou de l'âne, comme des étrennes du premier janvier, de la fête des rois et des célébrations traditionnelles du carnaval. C’est une période festive et joyeuse de licence, de festins et ripailles, où les barrières sociales tombent. La société n’a plus de règle, maîtres et serviteurs s’inversent, se confondent. On porte un masque et l’on se travestit pour cacher son identité, homme ou femme, noble ou roturier, riche ou pauvre, nul ne sait qui est qui.
On expérimente le désordre, le chaos.
C’est comme un retour provisoire à l’âge d’or saturnien, où tout est permis avant le jeûne du carême, qui inaugurera, lui, le cycle de Pâques, mais c’est une autre histoire…
Bien sûr l’Église tenta de réprimer ces débordements peu catholiques. Mais en vain, puisque, si la fête des fous ou de l'âne a disparu, on fête encore le carnaval. Elle a préféré introduire ces célébrations dans la liturgie, comme la fête des rois (qui à l'origine n'a rien, mais alors rien à voir avec les trois rois mages), ou la chandeleur, par exemple.
Carnaval est une fête essentiellement hivernale : c’est la célébration de la mort et du renouveau des forces de la nature. Une fête qui nous ramène dans le culte de la fertilité fécondité. De nombreuses mascarades avaient (et ont encore) pour thème l’animal comme l'ours, ou l’homme sauvage vêtu de peaux de bêtes ou de branchages, de verdure et de fleurs, qui poursuivait et lutinait les filles, et qu’on chassait rituellement avant de l’immoler, ou parfois simplement le raser (symboliquement c'est s'emparer de sa force), pour qu’il ressuscite ensuite. Ces pratiques magiques nous assurent que le printemps reviendra, que les plantes se remettront à pousser, que les petits vont naître et les hommes prospérer.
C’est une fête magique optimiste pour chasser l'hiver et attendre le printemps.
C'est aussi une période "grasse", où l'on peut manger de la viande et d'autres friandises dont on sera privé pendant le carême. La période des gâteaux, des crêpes, des beignets !*
Vite, de la farine, des œufs, du beurre... il faut s'y mettre.
Ça mérite bien un gâteau , non ? Un gâteau noir et brillant à la fois, un gâteau pour oublier que le temps passe.
Et puis, une fois qu'il sera dégusté, on attaquera les crêpes, les gaufres, les beignets... à propos... Non, plus tard. Vous avez vu l'heure ?
* Attention, "gras" n'avais pas le même sens autrefois que maintenant. On parle de "gras" au sens liturgique du terme, pas au sens culinaire. Par exemple, le beurre et les oeufs étaient gras, mais l'huile ne l'était pas. D'ailleurs ce serait intéressant d'étudier comment cette idée est resté ancrée dans certaines mentalités...
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