Les Chouzzas, ou les Pigères ?
Comment se détacher de la tradition, sans l'oublier complètement
Je vous présente Damien et son professeur de cuisine, Marc, du lycée Hôtelier de la Rochelle.
Lors du séminaire de gastronomie moléculaire du 20 mars, ils ont joué quelques sketchs très drôles sur la façon d'enseigner la cuisine, avant et après la gastronomie moléculaire.
Ils sont bons comédiens, Marc et Damien, tout en étant bons cuisiniers.
Si les cours de cuisine sont toujours aussi amusants, et les professeurs aussi sympathiques, je veux bien m'inscrire tout de suite en CAP au lycée.
Dans la partie haute de la photo, vous voyez le plan de travail réfléchi par un miroir. Cela se passe dans un amphi de cours de cuisine. Damien est en train d'incorporer les œufs dans la pâte.
Dialogue entre le professeur et l'élève:
— Nous allons étudier la pâte à chou: faisons des gougères, dit le professeur.
— Oh non, c'est trop ringard, des gougères, dit l'élève. Il faut faire des pizzas.
— Alors nous allons faire des gougères goût pizza: des choux-pizzas, des chouzzas, dit le professeur.
— Oh oui, des chouzzas, ça c'est fun !
Quand on a compris le principe et les mécanismes de la pâte à choux, qui est de porter à ébullition de l'eau avec une matière grasse (le beurre) puis d'ajouter de l'amidon (la farine) pour faire une panade, une pâte épaisse que l'on dilue ensuite avec de l'œuf pour le lier et lui permettre de gonfler à la cuisson par évaporation de la vapeur d'eau, on peut interpréter et inventer. On peut s'amuser à décliner les choux à l'infini...
Si l'on remplace l'eau toute bête par de l'eau qui a du goût, et le beurre par une matière grasse qui a un goût différent, on obtient des choux totalement nouveaux.
Voici la recette des chouzzas, telle que Marc et Damien l'ont réalisée:
Pour une belle trentaine de chouzzas:
25 centilitres de sauce tomate
60 grammes d'huile d'olive
5 grammes de sel, ou de la pâte d'anchois
125 grammes de farine, ou moitié farine et moitié fécule
De l'origan, du thym, du poivre
4 œufs
Du fromage de comté en tout petits dés
Avant de commencer : les chouzzas seront meilleurs avec une sauce tomate maison. On fait revenir un oignon émincé dans une cuillerée d'huile d'olive, on mouille avec le contenu d'une petite boîte de tomates entières pelées, on assaisonne de sel, poivre, thym, laurier. On laisse mijoter tranquillement 20 minutes, puis on enlève le laurier et le brin de thym, et on donne un coup de mixeur plongeant pour lisser tout cela. On en mesure 25 centilitres.
Si l'on est très pressé, on utilise une sauce tomate du commerce (une sauce nature, pas une bolognaise). Tant pis pour vous, je vous ai prévenus: ce sera un peu moins bon.
On allume son four à 180°C , chaleur tournante. On prépare des plaques de cuisson tapissées d'un papier sulfurisé.
On place une casserole sur le feu, on y met la sauce tomate et l'huile d'olive.
— On porte à 80°C, dit la cuisine moléculaire.
— On porte à frémissement, disent les poètes que nous sommes, mais le résultat est le même.
Dès que cela frémit, on ajoute la farine d'un seul coup et on mélange sur le feu, jusqu'à ce que la pâte se détache du fond de la casserole, on doit la dessécher un peu.
— Comment sait-on que c'est assez desséché ?
— La pâte doit être à 80°C de nouveau, dit la cuisine moléculaire.
Vous pouvez vérifier avec un thermomètre pour être sûrs de ne pas vous tromper, mais quand cela se détache bien du fond de la casserole, c'est prêt.
Une fois parvenu à ce stade, on transvase la pâte dans un cul de poule, ou un saladier. On incorpore les œufs un par un. Selon leur taille et selon le dessèchement plus ou moins prononcé de la pâte à l'étape précédente, il n'est pas forcément nécessaire d'ajouter le dernier œuf. On arête quand la pâte forme une pointe au bout de la spatule.
On intègre les herbes et le fromage.
— Combien de fromage mettez-vous ? ai-je demandé.
— Cela dépend de votre amour ! a répondu le professeur.
Cela ne vous donne pas envie d'aller réapprendre la cuisine, vous ? Voilà ce qu'on enseigne aux jeunes en école hôtelière : l'amour. Donc, pour le fromage, on est généreux : une belle poignée.
Quand la pâte est prête, on la dresse aussitôt en petits tas de la taille d'une noix sur les plaques de cuisson, soit avec une poche munie d'une douille lisse, soit tout simplement comme je l'ai fait ici avec deux petites cuillères.
On les fait cuire pendant 20 minutes dans le four, jusqu'à ce qu'ils soient dorés et gonflés. On les laisse refroidir sur une grille. Ils sont croquants dehors et moelleux au centre. Un régal.
Attention, ne prévoyez pas un gros repas ensuite, car vos invités n'en laisseront pas un seul !
Pour en savoir plus sur la gastronomie et la cuisine moléculaire, une conférence donnée par Hervé This est en ligne ici.
Et ici, vous trouverez d'autres recettes avec toutes leurs explications. Passionnant.