A la recherche des tomates perdues
On se souvient des tomates de notre enfance. Ces merveilleux fruits rouges et goûteux. On pouvait croquer dedans à pleine bouche, elles étaient sucrées pleine de jus. Le vrai goût de la tomate. Le goût du soleil, de l'été.
La question du jour :
Le grosses tomates : tomates industrielles Saveol, coeur de boeuf, une variété ancienne, à 3, 40 euros le kilo en GMS.
Les petites tomates : tomates du Roussillon, 2,50 le kilo, au marché.
Où sont les meilleures ?
Les tomates qui ont du goût furent reléguées à l'état de vieux rêve nostalgique par les tomates industrielles, toutes calibrées exactement pareilles, et surtout à longue conservation. La production de masse a exigé ces boules rouges poussées douze mois sur douze, hors sol, que l'on peut transporter sans problème d'un bout à l'autre de la planète. Elles ne pourrissent pas, ne prennent pas de vilains coups si on les entrechoque, la chair ressemble à de l'éponge trempée dans l'eau, et d'ailleurs elles ne mûrissent pas, elles n'ont jamais vu un rayon de soleil de leur vie.
Il ne me vient pas à l'idée d'acheter des tomates en dehors de l'été. Le soleil commençant à briller maintenant, j'ai pensé que, peut-être est-il temps de sortir sa mozzarella, son huile d'olive, et de partir à la recherche du fruit perdu. Cela tombe bien, dans la supérette de mon village, j'aperçois des tomates de la variété cœur de bœuf, de la marque Saveol. Notons au passage qu'elles sont presque trois fois plus chères que les tomates basiques et rondes, celles dont je parlais ci-dessus.
Essayons.
Ce qui aurait dû me mettre la puce à l'oreille, c'est le fait que ces tomates Saveol avaient toutes la même taille. Et la couleur aussi, uniforme. Mais je me suis dit : c'est une ancienne variété, dont on nous prône le retour et la soi-disant meilleure qualité. Et puis chez Saveol, ils sont bien gentils de les cultiver pour nous. J'ai coupé la mozzarella et versé la bonne huile d'olive ramenée d'un voyage dans le Sud. J'ai coupé mes tomates et j'ai fait la salade.
Le croirez-vous ?
Ce fut la couleur et la taille qui eurent raison. Malgré la bonne huile, c'était fade. La chair était rose pâle, insipide. La texture farineuse et peu agréable. Le goût : celui de l'eau et de l'engrais dans lesquels elles avaient poussé.
Verdict:
Les tomates coeur de boeuf de Saveol : attrape nigaud garanti. Pas pire, mais pas meilleures que les autres tomates industrielles.
Ne dépensez pas vos sous pour ça. Ne vous faites pas avoir par le nom ronflant et la publicité sur les anciennes variétés. La variété ne suffit pas, le mode de culture est aussi important. Une très bonne variété cultivée comme une tomate industrielle aura le goût d'une tomate industrielle. Et peut-être même, horreur malheur, peut-être sont elles aussi conservées dans des frigos.
Ce qui est honteux, c'est le prix exorbitant auquel sont vendues ces fruits complètement sans intérêt gustatif.
Voilà de bonnes tomates. Elles ont poussé sous le soleil, même sous serre, ça n’est pas grave, et surtout : dans la terre. Elles n’ont jamais connu le frigo.
J'ai goûté les cœur de bœuf d'un petit producteur local: des fruits à la forme excentrique et inégale. Ces tomates ont un goût extraordinaire, à la chair fondante, parfumée, un véritable plaisir à déguster. Certaines sont très grosses, d'autres plus petites. Certaines en forme de poires, d'autres rondes et bosselées. Et la couleur n'est pas uniforme non plus: sur un plant de tomates, naturellement les tomates ne mûrissent pas toutes en même temps. Alors évidemment c'est plus difficile à récolter, à emballer, à conserver, à transporter.
Vous êtes prévenus. Cherchez les bons producteurs, il en existe dans toutes les régions.