Les cerises, et après ? — La fin barbare d'une framboise et la triste vie des fruits industriels
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Maintenant que les cerises sont cueillies, qui croyait se reposer ?
Bon, j'arrête de les photographier et je vais les cueillir, parce
que sinon les branches vont se casser sous leur poids. Elles sont
énormes, rouges, parfumées. On sent que leur plus cher désir est de
plonger dans une jatte de crème, de se noyer dans le fromage frais, de
se vautrer outrageusement sur une pêche melba, de se faire enlacer par
un tiramisu furieusement délicieux et de fondre de plaisir dans un
sorbet.
Ne les faisons pas attendre !
En attendant le prochain billet, on va s'entraîner :
Ce soir les framboises vont devenir une simplissime purée de fruits rouges, avec des morceaux entiers, si, si.
Par personne :
100 g de framboises (on peut aussi mettre moitié framboise et moitié fraises)
10 g de sucre
On écrase
la moitié seulement des framboises avec le sucre soit
à la fourchette, soit au mixeur. J'ai la préférence pour la fourchette,
même si c'est plus long.
Le mixeur
c'est bien pour faire un coulis bien liquide et lisse, une sauce sans
aspérités. Le mixeur va vous réduire les framboises en purée en 1
seconde 2 dixièmes top chrono, cela peut avoir un avantage. Mais le
mixeur est hypocrite. Sous prétexte de rapidité, il va vous donner une
purée abstraite. Là on veut une purée concrète. Une purée figurative qui fera contraste avec l'évanescence des crèmes ou des tiramisu.
On veut de la matière, de l'existence, de la présence. On veut sentir
des morceaux sur la langue. On veut imaginer la framboise sous la
feuille de sa branche et les abeilles qui bourdonnent autour.
On prend
la fourchette et on appuie, on sent la chair résister légèrement puis
s'écraser sous la pression, on devine la densité, la substance. On
perçoit les petits sacs gorgés de jus qui explosent et libèrent le
parfum. On éprouve les grains de sucre qui crissent et se mêlent au jus répandu. On
se sent barbare peut-être, mais on assume parce que la framboise va
nous offrir ainsi toute la générosité de sa matière. C'est un don
qu'elle nous fait à nous qui le ressentons comme tel. Le mixeur, lui,
sous ses airs civilisés et anesthésiants, ne ressent rien.
On
mélange la purée
avec les framboises restantes, sauf quelques unes si on veut en décorer
son dessert avec quelques fruits tout nets. Cela vous donne une texture
moitié purée - moitié fruits qui est très agréable et appétissante.
On
répandra ces fruits sur du fromage blanc, dans un yaourt ou sur une
glace à la vanille. Ici la glace est maison, à base d'une crème
anglaise. Si vous insistez, je vous donnerai la recette un jour.
Il ne
manque plus que la pêche pochée pour faire une pêche melba. Là il faut
attendre encore un peu, il faut attendre que ce soit vraiment la saison, même si on en
trouve d'ores et déjà sur les étals des grandes surfaces. Non, on n'est
pas si pressé et on n'achètera pas de pêches industrielles dures comme
du bois parce que cueillies avant maturité et qui pourriront dès la
sortie de leur frigo. C'est triste une vie de pêche industrielle,
d'être cueille sans connaître de chair tendre et juteuse et puis de
pourrir à la sortie d'un frigo sans régaler personne. La vie des
framboises de jardin est bien moins triste. Même leur fin sauvage sous
la fourchette possède une jubilation, une force de création, avant qu'elles aillent se lover
sur la douceur de la glace, du tiramisu ou du fromage blanc.
Ne mangez pas toutes les framboises, on en aura besoin pour la prochaine recette : je vous promets un nuage aux fruits rouges !
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