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du miel et du sel
3 février 2010

Lapin chasseur... sachant chasser ?

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Lapin chasseur, l'intitulé de cette recette m'a toujours parue rigolote. Est-ce la vengeance du lapin sur le chasseur ? le lapin s'armerait d'un fusil et se retournerait contre son poursuiveur ? Le lapin, avec ses grandes oreilles et son petit nez qui bouge, deviendrait carnivore ?

lapinchasseur

Mais non, hélas pour cette pauvre bête, il s'agit en réalité du lapin à la sauce chasseur. La sauce chasseur comporte toujours des champignons, (on doit supposer que lorsque le chasseur rentre bredouille, il ramasse des champignons), des tomates, des échalotes (peut-être passe-t-il par un potager avant de rentrer chez lui), et du vin blanc (heu... on va dire que c'est pour se consoler ?)...

Les lapins que l'on mange aujourd'hui n'ont pas vécu dans la forêt, ni les bocages ou les garrigues. Ils vivent dans des clapiers et sont nourris de granulés. Si vous avez la chance de trouver des lapins de ferme, chose rarissime, n'hésitez pas, c'est une merveille qui vous surprendra : la viande est plus ferme et bien plus goûteuse.

lapinpeint

Ceux-là ne coûtent pas cher à nourrir, pas besoin de granulés. Je les ai peints  (oui, il m'arrive de faire autre chose que de la cuisine) puis mis derrière leur grillage, encadré de vieux bouts de bois. Quelques brins de paille, et c'est un petit trompe-l'œil qui crée la surprise dans un recoin un peu sombre.

S'il y a des âmes sensibles parmi vous, lecteurs, surtout qu'elles ne lisent pas les trois paragraphes qui vont suivre.

Quand j'étais enfant, les lapins de mon grand-père ne connaissaient même pas le goût des granulés, et pour cause, ils n'existaient pas encore. Ça ne serait venu à l'idée de personne d'acheter dans le commerce de la nourriture pour donner aux lapins. Ils mangeaient de l'herbe verte et tendre, qu'on allait couper au bord des chemins, et aussi des pissenlits et du trèfle, du foin. On leur donnait aussi du pain rassis et les épluchures de nos légumes. Parfois, ils allaient fortuitement déguster le carré de laitues, lorsque, petite, j'allais ouvrir la cage pour les caresser, et que j'oubliais de la refermer après... le lapin était heureux de gambader dans le potager, le grand père beaucoup moins. Les laitues n'ont jamais donné leur avis.

Le lapin était un plat du dimanche, un plat de fête. Moi qui allait caresser ces boules de poils, je n'avais même pas d'état d'âme, quand il fallait les occire. J'assistais parfois à l'exécution, ça ne m'a jamais semblé cruel. (Suis-je un monstre ?) La bestiole était assommée d'un seul coup, inconsciente quand on la saignait, et dans le paradis des lapins quand on la dépouillait. La peau était mise à sécher, retournée et fourrée de paille, puis vendue au marchand de peau de lapin, qui passait dans le village en tirant sa carriole et en poussant son cri d'appel: "peaux d'laaaapins" ! Ah cela doit vous sembler moyenâgeux, chers lecteurs de moins de quarante-sept ans et demi ! C'était certes avant Internet, même avant les téléphones portables, et avant les magnétophones à cassettes, c'était ça le vingtième siècle. Et encore, je ne n'ai pas eu la chance de vivre dans une ferme où on tuait le cochon tous les ans.

Ce que je vous raconte-là peut vous choquer, je le sais bien. On achète aujourd'hui la viande toute découpée dans des jolies barquettes en polystyrène et on a peu conscience —ou on ne veut pas l'avoir— d'où elle provient. A part quand on achète des coquillages ou des crustacés, on a très peu l'occasion de tuer soi-même sa nourriture, sauf à la campagne où les gens élèvent encore des lapins et des poulets. Étions-nous plus barbares autrefois ? Je ne sais pas en réalité ce qui est le plus barbare : élever un animal dans une toute petite cage pour le manger ou bien aller tuer ceux qui gambadent toute leur vie dans la nature. La Vie est ainsi faite qu'elle doit se nourrir au dépend d'autres vies. C'est peut-être un système tordu, mais c'est comme ça, il faut faire avec et c'est aussi pour ça que nous sommes programmés pour aimer le civet, l'entrecôte bordelaise et le jambonneau.

Les âmes sensibles peuvent revenir, nous passons à la recette, que nous allons soigner : il faut que ce lapin ait rendu l'âme pour une bonne cause et qu'il soit bien ragaillardi.

lapinchasseur2Pour 6 personnes :
1 lapin coupé en 6 morceaux
1 noix de beurre
100 g de lardons fumés
3 échalotes ciselées
1 carotte en dés
1 branche de céleri
1 cuil. à soupe de farine
200 g de pulpe de tomates
20 cl de vin blanc sec
1 bouquet garni (thym, laurier, queues de persil et 1 clou de girofle caché à l'intérieur)
250 g de champignons
Sel, poivre de Cayenne

On fait revenir les morceaux de lapin salés et poivrés dans le beurre chaud d'une cocotte, sans se presser, jusqu'à ce qu'ils soient vraiment bien dorés de tous côtés. C'est important, ne négligez pas cette étape, le goût final en dépend. On procède en plusieurs fois si la cocotte n'est pas assez grande pour que les morceaux ne soient pas superposés. On retire ensuite les morceaux de lapin.

On fait revenir à leur tour dans la cocotte, sans rajouter de matière grasse, les lardons, les échalotes, la carotte et le céleri, le tout coupé fin. On laisse transpirer quelques minutes, puis on remet le lapin. On saupoudre la farine, on laisse cuire en remuant doucement les morceaux, jusqu'à ce que toute trace blanche ait disparu.

On ajoute alors la pulpe de tomates et le vin blanc, on sale, on ajoute une pointe de Cayenne pour donner du peps, on place le bouquet garni, on porte à ébullition. On  couvre et on laisse mijoter pendant 45 minutes.

Pendant ce temps, on nettoie les champignons et on les fait revenir avec une pincée de sel dans un peu de beurre jusqu'à ce que leur jus s'évapore. On les ajoute dans la cocotte du lapin 15 min avant la fin de la cuisson. Si la sauce est abondante, on laisse réduire un peu sans le couvercle. On goûte et on rectifie l'assaisonnement.

Et l'on sert directement dans la cocotte ! On ouvre en même temps un rouge bien guilleret mais pas trop puissant : un pinot noir d'Alsace, un Beaujolais-villages, ou un Saumur-Champigny. Ou en blanc, un Mâcon. Si, si, il faut le soigner, ce lapin.

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Commentaires
V
Juste un mot : Beurk. Sans commentaire ... Et ou tu es un monstre [:)]
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D
[:D]
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P
tien! je peint moi aussi!!! et ces lapins là sont vraiment ravissants!!! Les notres sont dans leur cage dans le jardin, mais pour faire joli!! Ce sont des Polonais Blancs aux yeux bleus... <br /> Votre recette à l'air vraiment fort délicieuse!!!
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M
Ouf, j'avais peur de recevoir des insultes de lecteurs membres de la SPA ou autres végétariens, mais non, et au contraire, j'ai adoré lire vos commentaires, et tous vos souvenirs qui ont ressurgi ! Merci, racontez-m'en encore, je ne m'en lasse pas !<br /> [Bisou]
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E
Tout d'abord, je peux te le dire, nos chasseurs à nous s'arrêtent toujours au troquet du coin et je pense que c'est bien là qu'ils prennent la bouteille. Je retrouve beaucoup de mon enfance dans ton enfance. Chez nous, on coupait des betteraves (ah le bruit des dents du lapin qui sectionne sa tranche.... c'est quelque chose) et on leur cueillait aussi des panais dont ils raffolaient. Le lapin était aussi un plat de fête ou du dimanche servi avec des giroles et de petits lardons. Par contre j'ai jamais pu me faire à la mort de ces bestioles et c'est peut être pour ça qu'aujourd'hui, je mange si peu de viande. Mais comme toi, je trouve qu'il est bien plus cruel d'élever nos bêtes dans de menues cages puis de les emmener dans des endroits aseptisés mais sans humanité pour mettre fin à leur vie que de les regarder vivre, les caresser et malheureusement s'en séparer lorsque nécessité fait loi : je pense d'ailleurs qu'ainsi, on a moins le coeur à gâcher.<br /> <br /> Pour l'anecdote, mon père, un grand sentimental, n'a pas voulu qu'on tu les derniers lapins. Il a voulu qu'on les remette en liberté. Quelques jours plus tard, il n'y en avait plus qu'un, les autres ayant certainement attaqués par d'autre animaux. Ainsi sont les lois de la nature.
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  • Cuisine poétique. Les recettes d'une journaliste culinaire, ses coups de cœur, ses bonnes adresses : restaurants, producteurs. On apprend à choisir les meilleurs produits et respecter le rythme des saisons. On fait attention aux pièges de l'agro-industrie.
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