Les fraises Monte Carlo : un dessert kitsch mais princier
C'est un dessert presque historique de la cuisine française, Auguste Escoffier l'a créé à la fin du XIX° siècle, lors de la grande époque des desserts glacés qui plaisaient tant aux Dames. Composés de fruits et de divers autres ingrédients, la pêche Melba, la poire Belle Hélène, le café liégeois, la Dame Blanche sont les plus célèbres, mais il en existe encore des moins connus, tous plus sublimes les uns que les autres.
Et si un chef à la mode les remettait au goût du jour, en les faisant carrés au lieu de ronds, et en mettant les éléments bien rangés sur une assiette triangulaire, tout le monde crierait au génie. Et pourtant, nos arrière grand mères s'en délectaient déjà.
Ces fraises Monte Carlo se composent d'une meringue, de fraises macérées au curaçao, d'une délicate mousse glacée au curaçao et d'une chantilly à la fraise. Le décor original de Monsieur Escoffier est de sucre filé et de "violettes pralinées de Monaco". J'ai omis le sucre filé, n'ayant pas l'expérience nécessaire, et pour les violettes, elles sont introuvables dans la région où j'habite. J'ai donc décoré simplement avec des pralines concassées et une petite pensée violette. C'était mignon quand même.
Si l'on ne trouve pas de curaçao, une autre liqueur à l'orange convient très bien, comme du Grand Marnier ou du Cointreau.
La préparation demande de la minutie, mais ce n'est pas extraordinairement difficile, ni long, car on peut préparer certains éléments à l'avance : les meringues et la mousse glacée. Les fraises macérées et la chantilly se préparent le jour-même. Seul le montage se fait au dernier moment. On peut très bien moderniser le dessert en faisant un montage "déstructuré", comme on dit à l'heure actuelle. Avec mes explications des étapes au fur et à mesure, et avec un minimum de matériel, comme un batteur électrique, vous devriez y arriver.
Les proportions que j'indique conviennent pour 8 personnes.
Faites d'abord les meringues (vous pouvez les faire un ou deux jours à l'avance sans problème). Si c'est le cas, gardez-les bien au sec dans une boîte hermétique.
Pour les meringues :
100 g de blancs d'œufs
100 g de sucre vanillé (sucre dans lequel on a laissé macérer une gousse de vanille pendant quelques jours dans un bocal fermé)
90 g de sucre glace
Allumez le four à 120°C, chaleur tournante. Fouettez les blancs d'œufs en neige bien ferme, tout en leur intégrant le sucre vanillé petit à petit, à partir du moment où ils sont en neige molle. Quand ils sont fermes, lisses et brillants, incorporez délicatement le sucre glace avec une spatule souple.
Dressez-les sur une plaque de cuisson tapissée d'un papier sulfurisé en forme de petits nids d'environ 10 cm de diamètre. N'ayez crainte pour leur look, la surface sera cachée dans le dessert terminé. On peut en faire 8 à l'aise, mais on ne sait jamais, il peut y avoir de la casse. Une ou deux de plus seront les bienvenues. Enfournez et baissez aussitôt le thermostat à 100°C. laissez cuire 1 heure. Puis entrouvrez la porte du four et laissez sécher les meringues 4 ou 5 heures environ, jusqu'à ce qu'elles soient bien croquantes à cœur. Elles doivent sonner creux quand on les tapote. (Ne tapotez pas trop fort, c'est fragile !)
Maintenant, attaquons la mousse glacée au curaçao. C'est la partie héroïque ce la recette : le truc qui la rend irrésistible et qui fait que c'est the dessert dont on se rappelle. Lorsque j'ai lu la recette dans le guide culinaire d'Escoffier, je n'y croyais pas. J'étais persuadée que ça ne marcherait pas. Mais comme je suis un peu bourrique, et surtout très curieuse, j'ai essayé quand même. Grand bien m'en a pris : j'ai rarement mangé une chose aussi délicate.
On peut aussi faire cette mousse quelques jours à l'avance et la garder au congélateur. Et ce n'est même pas la peine de penser à la sortir un quart d'heure avant la dégustation, car elle garde sa texture mousseuse et tendre lorsqu'elle est congelée.
Pour la mousse glacée au curaçao :
12,5 cl de lait
100 g de sucre
3 jaunes d'œufs
3 cl de curaçao
12,5 cl de crème liquide très froide
On commence par faire une crème anglaise. Portez le lait à ébullition avec la moité du sucre. Mettez le reste de sucre dans un saladier, ajoutez les jaunes d'œuf et fouettez jusqu'à ce qu'ils blanchissent et moussent. Versez ensuite le lait bouillant tout en fouettant, et reversez le tout dans la casserole. Faites épaissir à feu doux, jusqu'à ce que la crème nappe la cuillère. Attention de ne pas la laisser bouillir, surtout. Quand elle est terminée, versez cette crème dans le saladier et placez-le dans un récipient plus grand rempli à moitié d'eau et de glaçons avec une poignée de gros sel. Laissez refroidir ainsi pendant au moins une heure, en fouettant de temps en temps. (Avec ce système, on obtient un refroidissement plus rapide qu'en mettant la préparation au réfrigérateur).
Dans le même temps, placez au congélateur le récipient qui servira à fouetter la crème, c'est impératif pour la réussite des opérations futures.
Quand la crème anglaise est bien froide, parfumez-la avec le curaçao, et incorporez la crème liquide, très froide elle aussi, c'est important. Versez le tout dans le bol que vous sortez tout droit du congélateur et fouettez à vitesse rapide. Au début c'est liquide, on se dit que ça ne va jamais épaissir, et puis après quelques minutes cela commence à mousser, à épaissir, et peu à peu cela se transforme en une fabuleuse mousse ivoire, satinée, douce, légère, aérienne... On fouette environ 10 à 15 minutes, on n'est pas pressé. C'est prêt lorsque le fouet laisse une trace dans la mousse quand on le retire. Si la trace ne reste pas, continuez à fouetter.
Remplissez avec cette mousse 8 empreintes en silicone en forme de demi sphères. Si vous n'en avez pas, faites comme moi, utilisez des petits bols d'un diamètre légèrement inférieur à celui de vos meringues, et prenez la précaution de les tapisser de film alimentaire. Égalisez la surface avec une spatule.
Placez les mousses au congélateur, au moins pendant 4 heures, mais la veille c'est mieux.
Les opérations suivantes seront réalisées le jour du repas. On s'occupe des fraises 2 heures avant, et le montage se fait au dernier moment.
Pour les fraises, la chantilly et le décor :
750 g de fraises
6 cuil. à soupe de sucre
4 cuil. à soupe de Curaçao
1, 5 g de gélatine en feuille
1 trait de jus de citron
25 cl de crème liquide très froide
16 pralines roses concassées + 8 petites fleurs de violettes ou de pensées
Équeutez les fraises, puis triez-les : les belles d'un côté, les moins belles de l'autre. Il faut mettre à part 200 g parmi les moins belles. On supposera qu'il reste donc 500 g de belles. Coupez-les en deux et mettez-les dans un bol avec 2 cuil. à soupe de sucre et le curaçao. Mélangez, couvrez d'un film et laissez macérer au frais jusqu'au service.
Faites tremper la gélatine dans de l'eau froide. Passez les 200 g de fraises moins belles au mixeur avec 2 cuillerées de sucre. Essorez la gélatine et faites-la dissoudre dans une petite casserole avec 2 cuil. à soupe de jus de citron, incorporez dans les fraises, redonnez un tour de mixeur. Fouettez la crème liquide avec le reste de sucre jusqu'à ce qu'elle soit en chantilly très ferme, puis incorporez lui la purée de fraise. Réservez tout cela au frais jusqu'au service.
Le grand moment est arrivé : celui du montage. Ayez tous les ingrédients auprès de vous.
Placez une meringue au centre des assiettes. Recouvrez avec une couche de chantilly à la fraise et démoulez dessus un dôme de mousse glacée au curaçao.
Recouvrez de chantilly à la fraise, lissez avec une spatule.
Égouttez les fraises macérées au curaçao, et placez-les autour, terminez en saupoudrant les pralines, et plantez la petite fleur au sommet. Vous pouvez entourer d'un trait de jus de macération des fraises, qui est délicieux. Servez tout de suite, et attendez-vous à quelques applaudissements.
Un joli dessert pour la fête des mères, non ?
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