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Les oursins, vous connaissez ? Si par bonheur vous lisez l'excellent blog Cuisine de la mer (clic), ce que je vous recommande, ces bestioles, issues d'un improblable croisement entre un hérisson et une châtaigne en vacances au bord de la mer, n'ont plus de secrets pour vous. Les déguster c'est prendre une brassée d'embruns iodés dans la figure.
Mais ça, c'est plus qu'une brise marine, c'est un voyage direct au bord de l'océan. Avec l'écume, les embruns, l'odeur du fenouil sauvage qui pousse au bord des chemins, le goût salé au coin des lèvres, le sable sous les pieds et les cheveux en désordre. Avouez tout de même que visuellement, ça en jette ! Et ma photo, presque volée avec un i phone, ne lui fait pas particulièrement honneur, hélas. C'est une entrée à déguster, avec une petite cuillère en nacre pour ne pas dénaturer le goût, chez Frédéric Simonin, 25 rue Bayen à Paris 17°.
Comme un bijou sur un écrin, ils sont délicatement posés sur un socle de gros sel coloré en bleu turquoise, la mer a parfois cette couleur irréelle sous le soleil des calanques, et aussi au large de Cancale ou Saint Malo (non, on ne mange pas le sel , il sert simplement de support !). On m'a expliqué la recette, mais, voyez-vous, je n'essaierai même pas de la refaire chez moi... C'est le genre de recette qui prend une journée entière à finaliser. D'ailleurs je serais incapable de la faire de la même façon, n'ayant ni les produits, ni le matériel, et surtout ni le savoir faire. Et en plus il faut aller pêcher les oursins, ce qui n'est pas facile quand on est au milieu du Poitou.
Les oursins ouverts, on récupère leur eau de mer qu'on décante, fait bouillir un temps précis, je n'ai pas retenu toutes les opérations, mais elles sont pointues et longuettes. Puis on la filtre et la clarifie pour en en faire une gelée parfumée et d'une cristalline limpidité. Aucune impureté n'est tolérée.
On enlève les piquants, on nettoie l'écorce, ce qui, d'ailleurs, prend beaucoup de temps, avez-vous déjà essayé d'épiler des oursins ? Les coquilles sont superbes, rangées de points clairs alignés par taille décroissante sur le fond sombre et un peu lustré, on dirait des coupelles d'un artiste designer. C'est beau et en même temps beaucoup plus facile à déguster qu'avec les piquants !
On fait étuver tout doucement du fenouil émincé, puis on le mixe, on le passe au tamis, et on le transforme avec ce qu'il faut de crème et d'aromates secrets en une mousse aérienne et onctueuse. La mousse de fenouil est placée au fond des oursins, on la garnit avec les gonades, la seule partie comestible de la bête, puis on recouvre avec la gelée transparente et enfin, on décore de points de mousse au fenouil, piquetés chacun d'une graine de fenouil et de petites pluches d'aneth. Un travail d'orfèvre.
En bouche, c'est une explosion de saveurs maritimes, vous sentez d'abord le goût iodé (évidemment il faut aimer les oursins), et vous distinguez ensuite plusieurs textures, fraîcheur et glissant de la gelée, crémeux et légèreté de la mousse, douce épaisseur des gonades, fraîcheur de la pluche d'herbe, et parfois un craquant de graine de fenouil qui vous aguiche tout ça de sa saveur anisée. Fenouil et oursin, accord parfait.
Je suis restée sans voix. Plusieurs heures de travail, pratiquement le même prix que dans une grande brasserie quelques rues plus loin à côté de la place des Ternes, où les 3 oursins sont servis juste ouverts, et avec les piquants, 5 minutes de travail à l'écailler. (À vous de vous débrouiller, vous économisez 4 euros, mais pensez à amener vos gants de jardin...)
Moi je préfère la petite cuillère en nacre, elle aussi sortie de la mer, résumé de toute la délicatesse et de l'harmonie du monde.
Frédéric Simonin (clic)
25, rue Bayen
75017 PARIS
Tel : 01 45 74 74 74
Malheureusement, sur nos côtes méditerranéennes, il est quasiment disparu.
Depuis tout enfant et jusqu'encore à présent,au moins deux fois par mois, avec cannes à pêche ou pas,j'arpente les rivages de Toulon à St Raphaël-Anthéors.
Je me souviens fort bien des tapis de centaines de milliers d'oursins à flanc de roches de porphyre rouge ou vert ; plus tard, en 1970, avec ma première épouse, nous allions en ramasser à mains nues, que nous consommions sur-place dans les proportions d'une dizaine de douzaines chacun.Heureuse époque !
A présent sur exactement les mêmes site,[G]il n'y a plus un seul oursin[/G] (ni patelles (arapèdes), ni bernacles (bious).., c'est le désert. Encore heureux que le poisson de roche ait l'air de revenir en quantité et diversité avec les prairies de posidonies et malgré la [I]caulerpa taxifolia[/I] et les rejets d'émissaires en mer.
Les fameuses fêtes de l'oursin de Carry-le-Rouet et alentours, voire de Toulon, ont soit été soit supprimées, soit mutées en "fêtes de la mer". Les quantités pêchées et consommées étaient ahurissantes, à la limite de la démence.
Mais bon, à part répondre à la question idiote de pourquoi l'humain détruit-il tout ce qu'il approche et/ ou touche, il vaudrait mieux, actuellement, remiser l'oursin au rang des espèces disparues et attendre (4 à 5 années de gestation pour un oursin consommable) que les stocks se reconstituent deux à cinq fois, c'est à dire attendre une cinquantaine d'années avant que d'espérer avoir reconstitué durablement les stocks. Mais bon! la météo n'étant pas propice aujourd'hui à refaire le monde, j'attendrai donc demain que l'humidité relative ambiante s'y prête davantage.