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Vous connaissez sans doute ces cailloux ternes et gris, on les brise et ils recèlent dans leur cœur tout un trésor de cristaux scintillants... Aux confins de la Lorraine, au bord d'une route grise qui mène à la frontière allemande, se trouve une belle maison à l'extérieur très sobre, mais l'intérieur est baigné de couleurs et de lumière. C'est la maison des sœurs Lydia et Isabelle Egloff : la Bonne Auberge.
Ces deux sœurs-là connaissent des philtres et des sortilèges...
Lydia est en cuisine tandis qu'Isabelle vous accueille : douceur, exigence, finesse, à propos. Et grâce. Ces deux femmes-là sont méconnues à leur juste valeur. Mais voyez vous ce sont des femmes dans le monde culinaire professionnel qui est un monde d'hommes. Oublions même ces considérations. Poussons la porte de la maison au bord de la route morose. Vous laissez la grisaille à la porte. Dehors s'excite le monde. Lydia cuisine, Isabelle met en scène.
La salle du restaurant est claire et joyeuse, caressée d'une clarté fruitée, ornée de verreries, et de jolis objets colorés. Un patio l'éclaire au centre, en un puits de lumière où pousse un olivier.
Ce jour-là c'était Pâques, et Lydia avait préparé un menu unique, en 6 services. Vous allez voir que la cuisine est aussi malicieuse et gaie que la salle ! Les intitulés du menu sont remplis de clins d’œil et d'énigmes. M'est avis que dans la cuisine de Lydia, des lutins et des fées susurrent des secrets à l'oreille des cuisiniers.
Et ils les écoutent.
Les frivolités apéritives 1,2,3,4,5,6.
Sur l'assiette sans doute dessinée par un farfadet, 6 petits contenants tous différents recèlent de subtiles gourmandises. De bas en haut dans le sens des aiguilles d'une montre : un fromage frais aux agrumes, un foie gras pas ordinaire, une purée d’avocat au balsamique réduit, un jus de fruits et légumes multivitaminé, parfumé (fleur d'oranger et cannelle ?), un gaspacho avec une bille de fromage de chèvre aux herbes et dans le coquetier une émincée de petits artichauts barigoule. Tout cela se suit sans heurts et est superbement assaisonné. Nos papilles émoustillées demandent la suite...
"Les bouchées de la reine"—Collection 2011—
Pas les bouchées à la reine, mais les bouchées de la reine. La Reine ? La reine de trèfle, en noir et blanc. Absolument pas la reine de pique. Il s'agit de ravioles fourrées de volaille, sur une purée de céleri, nappées d'une sauce à la crème et garnies de parmesan croustillant et de purée de truffe noire. En fait on retrouve les saveurs des merveilleuses bouchées à la reine de notre enfance, celles qui sont hélas si démodées qu'on ne les a jamais revues depuis qu'on est adultes. Elles sont revisitées d'une belle manière. J'ai adoré.
Saint Pierre rôti à la feuille d'ail des Ours — Extra-Plat d'asperges blanches — Morilles au jus.
Sur un lit d'asperges tranchées dans la longueur (des asperges d'une tendresse !), se prélassent des morilles fraîches et un filet de saint pierre à la cuisson parfaite, relevé par l'ail des ours, cette plante sauvage qui a une saveur doucement aillée. Et le jus, mmmm. C'est un plat très haut en goût et pourtant délicat et plein de finesse.
La dégustation de fromages fermiers de Philippe Olivier, Maître fromager.
Tous parfaitement affinés, ils sont présentés en compagnie de deux pruneaux cuits au sirop, non pas pour manger ensemble, mais après. Ils sont destinés à faire la transition entre le fromage et le dessert, pour délivrer le palais de la saveur du fromage et attaquer le dessert avec les papilles déjà préparées au sucré.
Choco-Pâques
(Malheureusement ma photo de ce dessert d'elfe est un peu floue). A gauche, un savarin au chocolat coulant, dont le coulant est à l'extérieur et non pas à l'intérieur, surmonté de sa mousse aérienne. En haut, un sorbet à la framboise : on croit croquer les framboises sur la branche. À droite une glace à la violette. Cueillies par les fées, les violettes. Le parfum en est subtil comme il faut pour ne pas écœurer, et en bas un petit nid d’œufs de Pâques en pâte d'amandes, pour s'accorder à la fête du jour.
Les gourmandises de la Bonne Auberge.
Ce n'est pas fini ! Voici un velouté de fraises à la crème fraîche, tout simple, tout bon : les sylphides ont écrasé les fraises dans la crème.
Autre gourmandise, les traditionnelles petites douceur qui accompagnent le café.
Ce menu était à 80 euros. Conseillés par Isabelle, nous avons bu un sublime Meursault village 1er cru de 2007, domaine Coche Dury, qui a parfaitement escorté tous les plats sans faillir de ses puissantes notes fleuries et presque miellées, vous savez, comme lorsqu'on passe sous un seringa, un acacia ou un sureau et qu'on croit sentir le miel... Comme un sillage de fée.
La Bonne Auberge
Lydia et Isabelle Egloff
15, rue Nationale
57350 Stiring-Wendel
Tel : 03 87 87 52 78
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je la note dans mon petite carnet.