On s'est plaint de la période de chaleur qui a oppressé notre pays cette semaine, j'ai même entendu dans les médias dire que l'organisme humain ne pouvait supporter cela... ils n'ont pas peur du ridicule et devraient voyager un peu. Se rendent-ils compte qu'il y a sur terre plein d'endroits où les températures sont supérieures à 30 degrés tous les jours de l'année sans exception, et restent au dessus de 25 toutes les nuits ?
À Singapour par exemple, il n'y a que deux saisons : la saison chaude et humide, et la saison chaude et très humide. Et je peux vous dire que 35 degrés avec 90 pour cent d'humidité, c'est quelque chose. Et comment on mange dans ces pays-là ? On mange chaud et pimenté ! Cependant, il existe aussi des plats froids et rafraîchissants. J'ai pitié de vous, en voici un, que j'ai trouvé délicieux. Nasi Ulam, mot à mot, ça veut dire "riz aux herbes".
C'est un plat de Malaisie, que les Peranakan de Singapour ont adopté. Une salade à base de riz et de poisson grillé, très fraîche et très parfumée de plusieurs sortes d'herbes. Elle est agrémentée de noix de coco grillée, ainsi que d'ail et d'échalote frits. On peut la relever de sambal blachan, un condiment très piquant (mais qu'on peut faire dans une version plus douce), à base de piment et de pâte de crevettes fermentée. Ça lui donne une autre dimension. On trouve la pâte de crevettes fermentée dans les épiceries asiatiques. Elle se conserve très longtemps, dans un récipient hermétique même à température ambiante.
Parmi les herbes, on utilise le laksa, appelé daun kesom en Malaisie, ou rau ram au Vietnam. Le nom savant est Polygonum odoratum, ou Persicaria odorata. Sa saveur est piquante, citronnée et mentholée. On la trouve couramment dans les épiceries asiatiques, demandez du rau ram. Elle n'a pas d'autre nom en français que "menthe vietnamienne", bien qu'elle n'ait rien à voir avec la menthe. On peut aussi la cultiver chez soi dans un pot. il suffit d'en acheter un bouquet, et d'oublier quelques tiges dans un vase d'eau. Au bout de quelques jours, des racines commencent à apparaître sur les tiges. On laisse dans l'eau jusqu'à ce que les racines soient bien longues et nombreuses (au moins 10 cm de longueur) et puis on rempote. Cela vous donnera une jolie plante verte qui fleurit rose une fois par an. Placez-la à mi-ombre. Elle aime la chaleur et l'humidité. L'hiver, rentrez-la à l'intérieur. Arrosages très fréquents. Chez moi elle a passé l'hiver dans la salle de bain, près de la fenêtre : chaleur et humidité, tout ce qu'elle aime.
Dans la recette, on ajoute de la citronnelle, du citron vert, des feuilles de combava, de la menthe, et du basilic Thaïe. Le basilic européen peut aussi convenir. La recette originale peut contenir jusqu'à 15 herbes différentes. Vous pouvez jouer et faire des variations avec ce qui vous fait plaisir. C'est meilleur avec des herbes qui ont une saveur citronnée.
Pour 4 personnes :
250 g de riz thaïe déjà cuit et refroidi
200 g de filet de poisson blanc grillé et refroidi, ou 200 g de petites crevettes roses
50 g de noix de coco râpée
3 belles échalotes, ou 6 petites
3 gousses d'ail
3 cuil. à soupe d'huile d'arachide
15 haricots verts frais
1/2 concombre
2 bulbes de citronnelle
1 poignée de feuilles de laksa
1 poignée de feuilles de menthe
1 poignée de basilic
3 feuilles de combava (qu'on peut remplacer par du zeste de combava ou de citron vert)
2 cuillères à soupe de gingembre mariné japonais égoutté et finement émincé (celui pour les sushis)
1 cuil. à café de sel fin
Ce n'est pas dans la recette, mais j'ai ajouté aussi : 250 g de tomates cerises du jardin, qui demandaient trop qu'on les croque.
Faites cuire le riz à l'avance pour qu'il soit refroidi. Si vous n'avez pas de rice cooker, je vous conseille cette méthode (clic), qui vous donnera une cuisson parfaite. Faites griller le poisson à la poêle ou sur un grill, laissez refroidir puis émiettez la chair. Si vous optez pour les crevettes, elles doivent aussi être cuites et refroidies.
Dans une poêle, étalez la noix de coco râpée, portez à feu vif sans cesser de remuer et laissez-la griller environ 4 à 5 min, jusqu'à ce qu'elle soit légèrement colorée. Ça va sentir bon ! Réservez.
Émincez en fines tranches les échalotes et les gousses d'ail. Faites-les frire dans l'huile d'arachide jusqu'à ce qu'elles soient bien dorées et croustillantes. Mais attention de le pas les laisser brûler ! Égouttez-les sur du papier absorbant, réservez.
Émincez très finement les haricots verts. Épluchez le concombre, retirez les graines et détaillez-le en petits dés. Avec un couteau bien aiguisé, taillez la partie tendre des bulbes de citronnelle en très très fines tranches, qui vont se séparer en rouelles. Ciselez toutes les herbes, ainsi que le gingembre mariné.
Mélangez tous les ingrédients de la recette, sauf la moitié de la noix de coco, que vous saupoudrerez à la fin au moment de servir. N'oubliez pas le sel.
Préparez maintenant le sambal blachan :
1 cuil. à café de pâte de crevettes fermentée
6 piments rouges doux
1 petit piment oiseau, si vous osez (avec ou sans les graines, le piquant est plus fort dans les graines)
1/2 citron vert
3 feuilles de combava débarrassées de la nervure centrale puis ciselées
1 cuil. à soupe d'eau bouillante
Dans un mortier, pilez les piments. Vous pouvez le faire au mixeur, mais c'est moins bon.
Tenez la pâte de crevettes au bout d'une pince en métal et faites-la griller directement sur la flamme du gaz jusqu'à ce qu'elle croûte. Ou bien mettez-la dans une poêle à sec, à feu très vif et laissez griller jusqu'à ce qu'elle croûte. Ne vous laissez pas impressionner par l'odeur qui se dégage à ce moment là, le plat n'aura pas cette saveur. C'est souvent ainsi avec les produits fermentés odorants, comme le munster ou le pont l'évêque, le goût est beaucoup plus doux que l'odeur.
Mettez tout de suite cette pâte grillée chaude dans le mortier et continuez de piler jusqu'à ce que tout soit homogène. Ajoutez les feuilles de combava, puis l'eau chaude et le jus du demi citron vert. Mélangez bien.
Servez le nasi ulam très frais, avec un peu de sambal à côté. Chaque convive en mélangera un peu dans le riz. À déguster avant d'aller se promener sous les palmiers dans les rues de Singapour.
J'ai particulièrement admiré ces spécimens en queue de paon.
Mais c'est agréable aussi de flâner entre les massifs d'orchidées du National Orchid Garden, une merveille ! Il y a aussi des serres dans ce jardin botanique, mais ce sont des serres froides... Tout est relatif, n'est ce pas.