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du miel et du sel
10 août 2013

Viviane la fée des Vignes

On critique beaucoup Internet, mais moi qui suis née à une époque où il n'y avait même pas d'ordinateur dans les maisons des gens normaux, et où le minitel était encore à inventer, si, si ça a existé une époque sans ces commodités élémentaires, eh bien je ne suis toujours pas blasée des belles rencontres que cela permet de faire.

closjulienvignes
Océan de verdure : un rosier dans les merlots.

C'est justement grâce à ce blog que j'ai rencontré Viviane. C'est une de mes plus fidèles lectrices. Elle écrit, depuis des années, quelques mots sur chacun de mes billets. Et ce ne sont pas des commentaires banals. Parfois elle écrit en vers, ou bien elle cite des textes d'écrivains ou de poètes. Évidemment tout ça finit par créer des liens.

Et au fil des échanges, j'ai découvert que Viviane est vigneronne. Pardon, "paysanne vigneronne", c'est comme cela qu'elle se présente. Déjà, ça interpelle. Enfin vous peut-être pas, mais moi, si. Des vignerons, j'en ai déjà rencontré beaucoup dans mon métier de journaliste, mais celle-là m'époustoufle. 

Elle a  sans doute un des plus petit vignoble de France, peut-être même le plus petit : 3 hectares, ni plus ni moins, un petit bijou, qui se partage sur les appellations Bergerac et Montravel. Ci-dessus sur la photo, c'est sa vigne : le Clos Julien. Voyez comme elle est belle et bien soignée. C'est du merlot. Mais il y a aussi du cabernet franc et du cabernet sauvignon. Elle  l'a créé avec son fils Julien, et ils y travaillent tous les deux. Oui, tous les deux, point. Tous seuls la plupart du temps, avec l'aide du mari, de quelques d'amis et membres de la famille lors des vendanges ou d'autres moments-clé du travail. 

Et ils font cela en supplément de leur activité professionnelle, parce que ce n'est pas avec ça qu'ils gagnent leur vie. Cette vigne, c'est leur passion, leur bébé, leur chouchou, un rêve ancien qui s'est réalisé il y a 10 ans lorsqu'ils ont quitté l'Alsace pour le Périgord. Je connaissais des restaurateurs qui travaillent à deux pour tenir leur restaurant, un en cuisine et une en salle, mais alors là, exploiter une vigne à deux, sans personnel, sans ouvriers, c'est la première fois que je vois cela !

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C'est admirable. Mais ce n'est pas tout. Leur vigne, ils la cultivent à la main, en agriculture biologique. Le rendement est volontairement réduit à 30 hl à l'hectare (alors que l'appellation autorise 60). Lorsqu'ils ont commencé, ils empruntaient leur matériel à des vignerons voisins, ce n'est que peu à peu qu'ils ont pu construire le chai, tout bardé de bois, acheter des cuves de fermentation, un pressoir, et même une machine à coller les étiquettes sur les bouteilles... Parce qu'avant ça se collait à la main, une par une et ça prenait un temps fou. Les vendanges sont faites elles-aussi à la main et là par contre, il n'est pas prévu de machine de sitôt !  Le raisin est aussi trié manuellement ( cela me fait penser, par contraste, à la grosse machine électronique à trier les grains que j'ai vue une fois à Pessac Léognan, elle coûtait des dizaines de milliers d'euros ). Ici on en est très loin. Enfin moi tout ça, j'admire.

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Dans le chai: le pressoir, les cuves de macération et fermentation, et les caisses prêtes à expédier...

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... Et Viviane et Julien devant les barriques où la prochaine cuvée fait semblant de sommeiller. Magie de la divine fermentation !

La fermentation est naturelle, en plus. Ça veut dire qu'on se prive du confort d'ajouter des levures dans le moût. Il va fermenter avec ses propres levures, celles qui sont sur la peau des raisins. Des levures avec lesquelles le raisin est intime depuis longtemps, ils ont vécu ensemble toute la saison, avec ses intempéries, son humidité ses sécheresses. Et alors quand ils se retrouvent dans la cuve où se mêlent les baies, les peaux, le jus, c'est l'attirance réciproque entre les bactéries, les levures et les sucres fermentescibles. C'est un peu comme l'accomplissement d'une longue attente. Ils n'ont pas besoin d'être beaucoup présentés, puisqu'ils se connaissent déjà. "Salut poupée, t'as d'beaux yeux tu sais ?" Dans le cas d'ajout de levure, ça prendra le côté affecté d'un mariage arrangé, l'ambiance est un peu différente, si vous me suivez ? " Mes hommages Mademoiselle, voulez-vous m'accorder cette danse ? J'ai l'honneur de me présenter, Rodolphe Hubert Gontran, baron de la Levurière..." Mais alors c'est moins risqué du point de vue de la vinification, car la mariée est un peu obligée d'être d'accord.

Pour conduire une fermentation  "naturelle", ça demande un sacré métier ! Parfois, le raisin a beaucoup de sucre et alors les bactéries sont un peu dépassées par les événements, la fermentation tarde à démarrer correctement. Avec ce genre de fermentation, la notion de terroir est encore plus réduite. Le vin va gagner en typicité, parce que les levures sont complètement autochtones, indigènes et ne sont pas les mêmes que dans le terrain d'à côté. C'est en quelle que sorte la biodiversité du vin qui est magnifiée. Par contre dans le cas de l'ajout de levures, comme cela se fait pour tous les vins conventionnels, les vins seront plus stéréotypés, vont se ressembler davantage.

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Viviane la cachotière ne m'avait même pas dit que deux de ses vins étaient remarqués par le Guide Hachette. Mais ça ne m'étonne pas, quand j'avais goûté  une fois une bouteille de  la cuvée "Carpe Diem" en Montravel rouge, j'avais été enchantée par la concentration, la longueur en bouche, les notes de vanille, cacao, cuir...  À  déguster avec un rôti de boeuf, du pigeon, un civet, du gibier, ou comme je l'avais fait avec un canard à l'orange.  Mais l"'Extravagance" en Bergerac rouge est aussi un bijou de puissance et de fruité : fruits noirs, mûres, cassis, griottes... comme on dit vulgairement, c'est "le petit jésus en culotte de velours", ça chante sur les papilles et ça accompagne aussi bien le gigot d'agneau que la daube ou le rôti du dimanche. Le "Clos Julien" est un Bergerac rouge, très concentré, fruité, pas d'acidité, il va magnifier votre steack ou rendre grandiose un simple tartare de boeuf. Mais comment ils font ça ? Des magiciens.

Ne cherchez pas ces vins en grandes surfaces, ni même chez les cavistes : ils sont vendus  uniquement par vente directe, soit à la propriété, ou bien dans des petits salons en France. On les trouve aussi dans quelques restaurants de la région.

 

merlots-du-Clos-Julien
Sur cette photo de la vigne prise juste après l'orage de grêle de début aôut, on voit que seuls quelques grains ont souffert. Ce n'est  malheureusement pas le cas de toutes les vignes de la région, certains viticulteurs ont perdu toute leur récolte, et la prochaine est compromise car cela a touché des rameaux qui auraient porté les fruits de l'an prochain. J'imagine que ce doit être un cauchemar.

L'histoire de Viviane est une belle histoire de courage, et de talent aussi. Aller au bout de son rêve, lentement, par étapes, y croire, sans renoncer malgré l'adversité, les embûches (pendant deux ans les vignes ont été grêlées à 80 %). Heureusement cette année elles ont été épargnées par les orages de la semaine dernière. Et avoir pour ligne de conduite de progresser, vouloir toujours aller de l'avant, ne pas se laisser aller à la facilité, toujours rechercher le meilleur, qui dépend aussi de petits gestes, épamprage, effeuillage, un travail de patience et d'observation... On dirait que le vin est bon quand les humains qui le font le sont aussi.

Pour visiter le site du Clos Julien, c'est par ici, clic.
Pour demander les tarifs, les conditions d'expédition, et la liste des salons où ils sont présents écrivez-leur de ma part :

Clos Julien
Viviane Sroka
127 chemin des Lavandières
24230 Saint Antoine de Breuilh
Tel : 05.53.27.82.07
E-mail : vitijul (arobase) club-internet.fr

Edit du 11 août
Je voudrais juste confirmer que le Carpe Diem avec une côte de boeuf au barbecue, sauce béarnaise, c'est un très grand moment à vivre !

 

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Commentaires
Y
on dit aussi que les rosiers souffrent des mêmes maladies que la vigne et que les planter en bout de rang, faisait office de signal d'alarme,<br /> <br /> très beau billet
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E
merci pour cette bonne adresse !! elvy
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E
bel article, ça donne envie d'aller goûter ce vin, très envie !! merci, et longue vie aux vignerons courageux qui gardent la foi !
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V
A Jean-Michel 71,<br /> <br /> <br /> <br /> Il est vrai qu'autrefois les prévisions météorologiques n'étaient pas aussi précises que maintenant, les rosiers en bout de rangs étaient de précieux indicateurs sur la pression des maladies, par exemple quand les champignons comme l'oïdium apparaissaient sur les rosiers, les vignerons s'empressaient de traiter leur vignes, sachant qu'elles allaient rapidement être touchées à leur tour. De nos jours les variétés actuelles de rosiers sont très résistantes à la maladie et n'on plus qu'un rôle de décoration.<br /> <br /> Quant à la couleur rouge, si on remonte encore une fois dans le temps, le travail du sol dans le vignoble se faisait à cheval. Les rosiers en bout de rang protégeaient le premier pied de vigne, ceux-ci d'un rouge vif incitaient le cheval à prendre bien large son virage pour changer de rang.<br /> <br /> Au Clos Julien nous ne travaillons pas avec un cheval (on aimerait bien mais...)<br /> <br /> En Bourgogne je sais que ça se fait beaucoup et soit dit en passant le vignoble bourguignon est de loin mon préféré, j'apprécie beaucoup le vin de Bourgogne et j'aime la façon dont les vignerons de cette belle région travaillent.<br /> <br /> Bref revenons à la rose . Nous avons planté des rosiers rouges dans une de nos parcelles tout simplement car nous aimons beaucoup cette couleur, c'est aussi simple que ça.<br /> <br /> Dans une autre parcelle nous avons planté des rosiers tous de variétés anciennes qui vont du rose au rouge en passant par le jaune et le blanc, je n'ai pas eu le temps de montrer cette parcelle et ces magnifiques rosiers à Marie-Claire, dommage, mais ce n'est que partie remise...<br /> <br /> Au plaisir de vous rencontrer un jour en Alsace, où pourquoi pas au Clos Julien<br /> <br /> C'est beau aussi le Périgord!<br /> <br /> Amicalement,<br /> <br /> Le Clos Julien
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J
Bonjour,<br /> <br /> <br /> <br /> AU NOM DE LA ROSE,<br /> <br /> <br /> <br /> Encore (et toujours, comme d'habitude) un bel article.<br /> <br /> <br /> <br /> Pour un Bourguignon (non vigneron mais vendangeur dans sa jeunesse), lire le récit d'une telle passion pour la vigne, la nature, le vin, l'écologie est un régal.<br /> <br /> <br /> <br /> La photo de tête qui illustre votre billet est très belle : un joli rosier, rouge de surcroît, au début d'un rang de vigne ! Quelle idée ! <br /> <br /> <br /> <br /> Coquetterie de Viviane pour le plaisir des yeux de la photographe ou des prochaines vendangeuses ? Roses rouges, comme l'aveu secret d'un Amour pour ...<br /> <br /> <br /> <br /> J'ai, bien sûr, visité le site du Clos Julien. Des pages fort plaisantes à lire.<br /> <br /> <br /> <br /> Parmi celles-ci, un billet : "L'été avant l'heure...", nous fait découvrir un couvert végétal, un engrais vert de seigle et naturellement, aussi, des rosiers rouges en début des rangs... Décidément, c'est là une autre passion de la propriétaire des lieux...<br /> <br /> <br /> <br /> Je ne suis pas si sûr de cette seule raison. Il doit y avoir (et il y a) une astuce, une alarme que, moi gamin, mon parrain, lui vigneron, m'a expliquée. Romancée à l'aune de mes souvenirs, l'histoire se résume ainsi : il est des petites bébêtes qui préfèrent "s'étourdir au parfum des roses" que "s'enivrer à la sève des ceps" (j'ai dit romancé). Des bébêtes nommées pucerons dont celui de la vigne, le tristement célèbre phylloxera. Et le rosier aime bien aussi "cultiver" des petits champignons, comme l'oïdium, qui ravagent les vignes.<br /> <br /> La présence de ces indésirables sur les rosiers indique aux vignerons qu'il faut protéger leurs vignes. J'ignore les soins actuels.<br /> <br /> <br /> <br /> Bon, va pour les rosiers. Mais pourquoi rouges ?<br /> <br /> <br /> <br /> Vous connaissez, sans nul doute, le code de la route ? Quelle est la couleur dominante des "Stop", "Sens interdit", j'en passe et des pires.<br /> <br /> ROUGE.<br /> <br /> Rosiers rouges, oui, pour indiquer aux chevaux à crottin d'alors (et ils reviennent en force remplacer ceux à vapeur) la fin du rang et donc le demi-tour à faire pour entrer, ensuite, dans le rang suivant. Point Barre comme on dit à l'heure d'Internet. Que reste-t-il à inventer ? Pardon, que reste-t-il à redécouvrir ?<br /> <br /> <br /> <br /> Au hasard ou au gré de ma balade dans "Le Clos de Julien", j'ai évidemment noté qu'il est d'origine Alsacienne. Çà tombe bien, j'ai de la famille dans ces vignobles de l'Est... à Ribeauvillé !<br /> <br /> Alors, au gré de mes escapades, j'irai les rencontrer à Colmar ou Mittelwihr... ou au marché de Noël de Voegtlinshoffen.<br /> <br /> À moins que je ne reste en Bourgogne pour faire leur connaissance, à Nevers, en Nièvre et son célèbre Pouilly fumé, en avril prochain...<br /> <br /> <br /> <br /> Vous connaissez le dicton : En France, tout finit par des chansons. Ne boudons pas notre plaisir...<br /> <br /> <br /> <br /> De cep en terre,<br /> <br /> La voilà, la jolie terre<br /> <br /> Terri, terrons, terrons le vin,<br /> <br /> La voilà, la jolie terre au vin<br /> <br /> La voilà la jolie terre!<br /> <br /> <br /> <br /> ...et 14 couplets plus tard, le quinzième...<br /> <br /> <br /> <br /> Plantons la vigne,<br /> <br /> La voilà la jolie vigne,<br /> <br /> Vigni, vignons, vignons le vin,<br /> <br /> La voilà, la jolie vigne au vin,<br /> <br /> La voilà, la jolie vigne!<br /> <br /> <br /> <br /> Merci pour cet agréable moment passé sur votre blog.<br /> <br /> Amicalement,<br /> <br /> Jean-Michel 71
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