Pêches de velours et de satin
J'ai toujours aimé les pêches.
Le velours de leur peau toute chaude de soleil, qu'on enlève par
petits lambeaux pointus en tirant doucement sans la déchirer, pour
découvrir la chair humide et fraîche, parfumée. Le jus sucré qui coule
sur la langue et qui déborde sur les lèvres.
Pas besoin de couteau.
On a peur de planter un couteau dans cette peau douce. On préfère la sincère barbarie de les mordre avec les dents.
On savoure la délicatesse presque florale des pêches blanches et la rondeur fruitée des jaunes.
Les
pêches nous racontent les belles saisons et la bonté des jours d'été.
Les vergers bruissant d'abeille. Les petites robes en coton fleuri et
les épaules nues sous le soleil. Elles sont si féminines les pêches
adolescentes et rieuses.
Le pêches d'autrefois étaient mûres et
juteuses. Maman voulait qu'on les croque penchée en avant, en faisant
attention pour que le jus ne coule pas sur la petite robe claire. La
robe neuve avec les fronces et les fines bretelles, comme des rubans.
Les pêches d'autrefois faisaient des taches indélébiles sur les petites robes claires.
Comme des souvenirs qui ne s'effaceront pas.
On
se moquait bien des recommandations de Maman, sur les taches, la peau
des pêches à enlever et les petites robes à ne pas abîmer.
On riait.
On croquait la pêche, on faisait du bruit en aspirant le jus. On
faisait un peu attention, quand même, parce qu’on l’aimait bien, notre
petite robe à bretelles.
On ne savait pas qu'on ne les oublierait
pas. Les pêches, la robe, les conseils. On ne savait pas que Maman
s'inquiétait pour bien autre chose que les taches sur la robe.
Alors j'ai pensé à une recette toute simple que je dédicace à une petite robe jaune. Jaune comme la chair ensoleillée des pêches. Elle est ICI.
Le souvenir de nos robes de petites filles, le goût des fruits mûrs : à la fois dérisoire et tellement précieux.
Parce que la vie s'écoule.