La saison sombre,« nos ancêtres les gaulois » et, accessoirement, Halloween
Nous venons d'entrer dans la saison sombre.
Pour les Celtes de l'Europe continentale comme des îles, l'année
était composée de deux saisons : la saison claire et la saison sombre.
Au début de chacune avait lieu une fête. Samain, le premier novembre, et Beltaine, le premier Mai.
Deux autres fêtes, Imbolc et Lugnasad,
prenaient place au milieu de chacune des saisons. Ces fêtes n'ont rien
à voir avec les solstices ou les équinoxes comme chez les germains et
les romains. Elles ont lieu à une date située à égale distance entre
l'équinoxe et le solstice.
Le calendrier de Coligny fut découvert à la fin du XIX° siècle. C'est un calendrier de bronze gravé en langue gauloise.
(Photo Wikipedia)
Samain est appelée tri nox samoni, les trois nuits de samonios (le nom du mois de novembre en langue gauloise), dans le calendrier de Coligny,
qui est un vestige gallo-romain, où figure la division de l'année en
deux saisons. C'est par cette fête que commence l'année celtique.
En réalité les célébrations duraient une semaine : trois nuits avant le
premier novembre et trois nuits après. C'était une période très
spéciale : elle était hors du temps. Elle ne faisait partie ni de la
saison claire, ni de la saison sombre. C'était une transition, un
passage entre les deux saisons, un couloir dans l'intemporel. Et aussi
un couloir entre les mondes. On recommençait à zéro un temps cyclique,
on entrait dans une sorte de chaos primordial et la frontière entre ici
et l'au-delà était provisoirement rompue. Elle marquait une rupture
dans la vie quotidienne : la fin des labours, la fin des pâtures, la
fin des batailles et des conquêtes pour les guerriers. On pratiquait
des rites d'extinction et de rallumage des feux, on allumait de grands
bûchers, on se rassemblait, on banquetait et on buvait en l'honneur des
dieux, des vivants et des morts. La fête est attestée par des écrits
médiévaux jusqu'au XII° siècle en Irlande.
Franz von Stuck, la chasse sauvage.
Pendant ce laps de temps, les frontières entre les mondes sont
abolies : le monde des vivants côtoie celui des morts et des dieux.
Des chasses sauvages de fantômes se promènent dans le ciel, c'est la Mesnie Hellequin, la Chasse Arthur ou la Chasse Gallerie.
Dans l'autre sens, les vivants peuvent aussi franchir les portes du
monde de l'au-delà. Des légendes décrivent des aventures de personnes
voyant apparaître des êtres surnaturels, ou étant emmenés au pays des
fées, ou des dieux, là où le temps s'écoule différent du nôtre. Quand
ils reviennent après un jour de plaisir dans l'autre monde, ils sont
devenus des vieillards car pour un jour dans l'autre monde, un siècle
s'est écoulés dans ce monde-ci.
C'est la période où se déroulent des événements magiques, où la mythologie est bien vivante.
On ne doit pas laisser les chevaux dehors pendant la nuit, car les morts peuvent s'en servir comme monture et on les retrouve tellement fourbus qu'il faut les laisser huit jours à l'écurie. Il ne faut pas aller à la pêche, sous peine de ramener des ossements dans les filets. Les pêcheur qui prendraient la mer ce jour-là se verraient doubles : un individu semblable à chacun d'eux comme un jumeau prendrait place dans la barque pour les accompagner dans les manœuvres. On ne doit pas faire la lessive, car alors on laverait le linceul d'un membre de la famille, ni creuser la terre, par association au travail du fossoyeur.
Vous voyez qu'on n'a pas attendu Halloween pour se faire peur ! Halloween, on ne le répètera jamais assez, n'a rien à voir avec la mythologie celtique. C'est une fête anglo-saxonne d'origine irlandaise qui fut transportée en Amérique du Nord au XIX° siècle. Postérieure à la création de la fête de la Toussaint, elle est issue de la christianisation, et n'a de rapport avec Samain que la coïncidence de la période, et une similitude avec l'idée des revenants. C'est une fête parodique et exutoire que nulle tribu « gauloise » n'a pratiquée, contrairement à ce qu'on entend parfois, et si elle a un jour débarqué chez nous, c'est uniquement dû à des marchands de bonbons !
Évidemment si l'Église a placé là la fête de la Toussaint et le jour des défunts, ce n'est pas juste pour faire joli. Toutes les civilisations ont un jour spécial pour célébrer les morts. Au VII° siècle , la fête de tous les saints et le souvenir des trépassés étaient célébrés les 13 et 14 mai. Mais ces fêtes eurent du mal à "prendre" dans les régions celtiques, qui ont l'habitude de célébrer le passage entre la vie et la mort au moment de Samain, autour du 1er novembre. Les évêques d'Angleterre et d'Irlande décidèrent donc de célébrer la Toussaint le 1er et les trépassés le 2 novembre : Samain est christianisé. Ce n'est qu'à la fin du IX° siècle que Rome fixa pour toute la chrétienté la date de la Toussaint au 1er novembre.
C'est le moment de l'année où la lumière du soleil décroît, où les ombres se font longues, où les brumes nous enveloppent comme l'incertitude du destin. La nature semble mourir. On veut maintenir le lien entre les vivants et les morts, en allant rituellement nettoyer les tombes et y déposer des offrandes de fleurs, symboles de vie et de renouveau.
Bon alors, vous l'avez compris, ne comptez pas sur moi pour vous donner des recettes de citrouille ou de cupcakes en orange et noir. Par contre, quand le jour fléchit, quand les feuilles roussissent et quand les lumières deviennent si douces, moi j'ai envie d'allumer mon four pour faire des brioches.
Alors bientôt vous en profiterez aussi...