Le strudel aux pommes en long, en large et en saveur
C'est toute une aventure !
Il a suivi la vallée du Danube, a traversé la Forêt Noire, puis a fini par arriver jusqu'en Alsace. On le croit généralement originaire d'Autriche. Mais ce qu'on sait peu, c'est que les Autrichiens l'ont piqué aux Hongrois, qui lui donnent le nom de Retès. Eux-mêmes ont subi l'influence des Turcs. Vous vous rappelez, les Turcs qui sont venus jusqu'à Vienne ? (Je l'ai raconté ICI). Ce gâteau venu des pâtisseries orientales est donc l'héritier des baklavas et des pastillas. On peut le fourrer aux fruits frais ou secs, pommes, cerises, quetsches, noix, amandes, au miel, au fromage blanc, au pavot. On en trouve aussi des versions salées.
C'est l'ancêtre de nos feuilletés. La pâte est très très finement étalée, badigeonnée de beurre, puis roulée de manière à ce que le beurre sépare les épaisseurs. La pâte feuilletée est un perfectionnement de ce système antique.
L'occupation idéale par un après midi de pluie.
Il vaut mieux être deux. (Nous on était trois, mais c'est parce que je prenais les photos : Guillaume, Souneth et moi). Et puis on rigole mieux. On prévoit deux heures, y compris le temps de repos. Mais quand on aime, on ne compte pas. Vous allez vous amuser à faire cette pâte peu commune. Et quand vous allez sentir cette bonne odeur dans le four, vous saurez que vous serez récompensé de tous ces efforts.
Alors vous me suivez ? Avec toutes mes étapes en photo, vous allez réussir comme des pros, ou comme des mamies autrichiennes. D'abord on prépare les ingrédients. Et on suit la préparation sous la direction de Guillaume, mon pâtissier personnel à moi toute seule.
Cliquez sur les photos pour les agrandir
Pour 6 à 8 personnes
Pour la pâte :
250 g de farine
1 œuf
1 pincée de sel
20 g de beurre (on peut mettre aussi de l'huile)
10 cl d’eau tiède
150 g de beurre, mais peut-être plus, finalement
1 bol de chapelure
Pour la garniture :
1 kg de pommes, des melrose, ou des reinettes
150 g de sucre
50 g de raisins secs
1 cuil. à café de cannelle
2 cuil. à soupe de rhum
50 g d'amandes grossièrement hachées
On
prépare la pâte. On met tous les ingrédients dans une jatte et on
mélange jusqu'à obtenir une pâte homogène, lisse et brillante et qui ne
colle plus aux doigts. On peut la faire au robot muni du crochet, on
pétris alors 5 minutes.
1 On rassemble la pâte en boule. La tradition veut qu'on la tienne à environ soixante centimètres de hauteur environ et on la jette contre la table. Vlan, on fait cela cinquante fois. Allez, on pense à tout ce qui nous énerve... et on compte, 49, 50... Vous allez voir, ça soulage. (Je ne sais pas à quoi il a pensé, Guillaume. Souneth et moi, on regardait. Il tapait fort ! ).
2 Une fois que c'est fait, on réchauffe un saladier en terre en le remplissant d'eau bouillante. On attends une minute, on le vide et on l'essuie. On le retourne sur le pâton : il va rester bien au chaud. On le laisse reposer ainsi au moins une heure. Mais deux ou trois, c'est encore mieux.
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On prépare la garniture : on épluche les pommes, on les épépine, on les
coupe d'abord en quartiers puis en lamelles fines. On les met dans un
saladier et on ajoute tous les autres ingrédients. Il ne faut pas
oublier la cannelle, surtout. Ni le rhum. Les meilleures pommes à
utiliser sont acidulées et ne rendent pas trop d'eau : les melrose, les
reinettes , les canada, les cox orange conviennent bien.
4 C'est maintenant que
commence l'épisode que je préfère. Là on va bien s'amuser. On prépare
un grand torchon, d'au moins 70 centimètres sur 1 mètre et on l'étale
sur la table. Je vous dis tout de suite : comme je n'en n'ai pas trouvé
d'aussi grand dans le commerce, je l'ai fabriqué moi-même avec un drap,
4 ourlets à faire. (Il a bien fallu que je fasse quelque chose dans
cette histoire, à part les photos.) Et hop, on a le matériel. Faut pas
se laisser embêter par des bouts de tissu.
Ce torchon, on l'étale sur la table et on le farine copieusement.
5 On place la pâte au milieu du linge, et on aplatit un peu la boule à la main pour qu'elle soit régulière.
6 On commence à l'étaler avec un rouleau à pâtisserie. Encore un peu. Allez, courage.
7 On l'étale au maximum, jusqu'à ce qu'elle devienne très fine et qu'on ne puisse plus l'étaler du tout avec le rouleau.
8 Alors on continue à la main : on glisse les deux mains sous la pâte, la paume vers le bas, et à l'aide du dos des deux mains, on étire doucement du centre vers les bords. La sensation est extraordinaire : on dirait qu'on étale un drap d'une douceur de soie. La pâte est solide, lourde, elle retombe souplement. Même fine, elle ne se craque pas si facilement et s'étire sans fin. Ça leur a plu, à Guillaume et Souneth.
9 Si jamais un accroc se produit dans la pâte, ça arrive, on le répare immédiatement en le pinçant du bout des doigts, puis on lisse doucement l'endroit où ça s'est produit. Si le trou est trop grand, on peut le réparer avec un peu de pâte prélevée sur le bord.
10 On a eu de la chance, on n'a pas fait de trou. Voilà, quand c'est terminé, la pâte doit recouvrir entièrement le torchon, et même le dépasser un peu. Si c'est plus épais sur les bords, pas grave, on les égalise.
11 La tradition veut que la pâte soit prête lorsqu'elle est assez fine pour lire le journal à travers. Mission accomplie ! (Choisissez un bon journal, quand même).
12 On fait fondre le beurre et on en badigeonne toute la surface de la pâte.
13 On la saupoudre ensuite avec la chapelure. Nous, on a mis de la chapelure de brioche rassise. On n'avait que ça...
14 On étale le mélange de pommes et raisins à la cannelle, à environ 3-4 cm d'un bord de la pâte. On saupoudre ensuite les amandes. Elles vont donner du croquant.
15 Il faut faire une bande de pommes d'une dizaine de centimètres de large. Plus il y a de pommes, meilleur ce sera.
Maintenant, on préchauffe le four à 220°C.
16 C'est là que ça devient rigolo : on commence à rouler en s'aidant du torchon... on roule, on roule...
17 Stop ! On s'arrête quand on arrive au bout de la table !
18 On demande à une main secourable d'approcher une plaque et d'un dernier tour de torchon, on y fait glisser le strudel.
19 Il est peu probable que votre plaque soit assez grande : pas de panique, on plie la bête en S, en Z, en U, en O ou en spirale. De toute façon, on le sert coupé en tranches, alors on ne verra rien. On replie plusieurs fois la pâte aux extrémités, pour que ce soit bien hermétique.
20 Avant la cuisson, on badigeonne le strudel de beurre fondu. On le fait cuire pendant 10 minutes à 220°C, puis on baisse le four à 180°C et on termine la cuisson, jusqu'à ce qu'il soit bien doré. Cela prend environ 20 minutes.
21 Et encore une fois à la sortie du four, que croyez vous qu'on fasse ? Oui, on badigeonne de beurre ! Si vous n'avez pas prévu assez de beurre, faites-en refondre. Il faut toujours être généreux en cuisine. Et en pâtisserie, bien entendu. N'est-ce pas, Guillaume ?
On sert de préférence tiède cette petite merveille croustillante au cœur de pomme fondant et parfumé, avec une boule de glace à la vanille, ou bien un nuage de chantilly, ou de crème épaisse.
C'est le moment d'ouvrir le Gewürztaminer vendanges tardives qu'on a soigneusement mis au frais ...
Merci à Fernand, pâtissier en Alsace, pour ses conseils avisés.
Et si vous passez par LÀ, allez goûter son strudel à lui, qui est délicieux.