Un livre de cuisine qui se lit comme un roman : Margaridou
Ce livre est bien plus qu'un simple livre de recettes.
« Margaridou, journal et recettes d’une cuisinière en pays d’Auvergne », de Suzanne Robaglia, édité par CREER, 63340, Nonette.
Ce
livre atypique (est-ce un roman ? est ce un livre de cuisine ?) ne date
pas d’hier : la première édition est parue en 1935. Il est préfacé par Henri Pourrat,
et c’est autant un texte littéraire qu’un livre de cuisine. On trouve
encore des éditions récentes neuves ou d'occasion, en librairie, ou sur
internet.
C’est mieux qu’un livre de cuisine : c’est de la vie qui passe à travers les vapeurs des fourneaux. Le journal d’une cuisinière du XIX° siècle au service d’un médecin à Saint-Flour, en Auvergne. L’auteur, Suzanne Robaglia, raconte qu’elle l’a trouvé dans une vieille malle contenant des lettres de soldats de l’Empire, des recettes d’eau de senteur, une prière de l’époque Louis XIV pour demander la Paix, des menus de noces, des almanachs populaires, avec la complainte du juif errant, une image d’Epinal représentant l’impératrice Eugénie en toilette de mariée, enfin le journal de Margaridou, ses observations et ses recettes culinaires.
C’est aussi le portrait d’une femme, et un livre d’Histoire(s). Le témoignage d’une vie révolue, empli d’une poésie profonde, nostalgique juste ce qu’il faut, où l’on retrouve la dureté de la vie à la campagne, la fierté des petites tâches, les servantes, les troupeaux, la basse-cour, les prés, les fêtes, la saint jean, les parfums des gentianes et l’odeur des lessives.
C’est un livre de cuisine vécue, et non pas écrite. Margaridou avait peur d’abîmer les recettes de sa Grand Mère en les écrivant. C’étaient des recettes parlées avec des images de vie qu’il faut connaître pour les comprendre ; c’étaient presque des contes de fée.
Le livre est construit selon les saisons : le printemps avec les morilles, les truites, les œufs de Pâques. Les beaux jours, le sauté de chevreau, les agneaux. L’été avec les fruits rouges, les confitures, les écrevisses, les fromages, les brioches. L’automne et les pommes, les chanterelles, les gibiers, les pâtés et le chou farci. L’hiver avec les soupes, le salé, les saucisses, le pot au feu et le pain d’épices… Et bien d’autres choses encore. C’est une cuisine qui touche terre pour y reprendre des forces. Une cuisine d’économie mais pas de privation : il s’agissait de faire bonne chère avec peu de moyens. N’est ce pas encore d’actualité ?
Au fil des recettes et des jours, on rencontre les bergers, les lavandières, les vachers dans les burons, le médecin de campagne et son auto nommé « Pénélope » parce qu’elle file très vite… et surtout la Mémé et ses remèdes, celle qui est une grande cuisinière, que l’on vient chercher de loin pour faire les repas et veiller les mort.
Quant aux recettes, elles ont été annotées par les frères Troisgros de Roanne, c’est dire si elles sont bonnes ! J’ai d’ailleurs eu la surprise d’y retrouver une ou deux choses que de grands cuisiniers ou pâtissiers d’aujourd’hui disent avoir inventées, hé hé, je ne citerai pas de noms…