Le Baba au rhum, un gateau de légende
Quel délice, le baba au rhum ! Il fait partie de ces gâteaux de légende, et ce serait dommage de le manger bêtement, sans connaître son histoire. Il nous régalera en cet automne où la nuit va grignoter le jour à petites bouchées, l'imbibant de pluies et de brumes, et le nappant de soleils voilés.
La nuit sert à raconter des histoires, ou à faire de beaux rêves, alors on prend une bouchée de cette suavité sucrée et on ferme les yeux. On se remémore les fastes de Versailles et les ors des palais de Stanislas Leckzinski à Lunéville ou à Nancy.
Il était une fois un roi de Pologne déchu, dont la fille, Marie, avait épousé le roi de France. Il était très gourmand de sucreries et il avait aussi de mauvaises dents qui le faisaient beaucoup souffrir, c'était fréquent à l'époque. Son fidèle pâtissier, Nicolas Stohrer, créa pour lui un nouveau dessert : une brioche traditionnelle de son pays, qui ressemblait à un Kouglof parfumé de safran, complètement imbibée d'un sirop de vin de Malaga, juteux et moelleux à souhait. (A l'époque le rhum n'était pas autre chose qu'un horrible tord boyau, juste bon pour les matelots et les gars de la flibuste. Le malaga était beaucoup plus distingué pour les princes et les rois).
Stanislas, qui était très cultivé, aimait beaucoup les contes et les histoires, surtout celle d'Ali Baba, il en nomma le gâteau (oui, autrefois le gâteau se nommait bien Ali Baba, c'est ainsi qu'on le trouve dans les vieux livres de cuisine, le nom que nous lui connaissons aujourd'hui est simplifié).
Aujourd'hui, 280 ans plus tard, la maison Stohrer fondée par ce même pâtissier, qui avait suivi à Paris la princesse Marie, existe toujours à Paris, rue Montorgueil. La boutique est classée monument historique. On peut toujours y déguster l'Ali Baba originel. Ce n'est pas une belle histoire, ça ?
Le gâteau fut rebaptisé savarin au XIX° siècle, en l'honneur d'Antheme Brillat-Savarin, l'illustre auteur de la physiologie du goût. Il connaît plusieurs variantes : le baba originel est incrusté de raisins secs. Il peut avoir une forme ronde en couronne, ou individuelle en petits bouchons. Le savarin est toujours en couronne, il n'a pas de raisins secs et peut être parfumé au kirsch ou au Grand Marnier. Mais chaque fois le principe du gâteau est le même : une brioche complètement imbibée de sirop jusqu'à saturation. Contrairement aux apparences c'est un dessert très léger, pas bourratif pour deux sous. Sa construction est simple et d'un grand raffinement, de ceux qui défient les modes : trois saveurs : la brioche, le sirop et la crème, point.
Pour un moule de 26 cm, soit un baba de 8 personnes
Pour la brioche
250 g de farine
5 g de sel
10 g de sucre
10 g de levure de boulanger
5 cl de lait
3 petits œufs
75 g de beurre ramolli + 20 g pour le moule
Pour le sirop
75 cl d’eau
400 g de sucre
1 citron
10 cl de rhum
Pour la garniture
500 g de crème chantilly, ou de la crème pâtissière
Des fruits frais au choix
Il faut impérativement commencer la veille du jour où l'on veut manger le baba. Car il faut une nuit entière pour que le biscuit s'imbibe complètement du sirop. Si l'on est trop pressé, il y aura des parties sèches et ce sera nettement moins savoureux.
Je fais la pâte à la main, parce que mon robot n'est pas conçu pour de si petites quantités. Mais pas de panique, ça va très vite.
On met la main à la pâte et on met au chaud pour la première fermentation
On dispose la farine mêlée au sel et au sucre en fontaine dans un saladier. On délaye la levure avec le lait tiède et on la verse au centre. On y casse les œufs et on pétrit le tout. C'est une pâte molle et horriblement collante, mais ce n'est pas grave. Pour une brioche normale, il faut pétrir jusqu'à ce que la pâte se décolle, mais là ce n'est même pas la peine. On pétrit pendant 5 minutes avant d'incorporer le beurre. On travaille la pâte jusqu’à ce qu’elle soit bien lisse et élastique. On la couvre d'un linge et on laisse lever dans un endroit au tiède pendant 1 heure, ou jusqu'à ce qu'elle double de volume.
Quand on prend la photo avec un temps d'exposition élevé, on voit la danse de la louche fantôme au dessus du baba. Attention, le fantôme de Stanislas n'est peut-être pas loin !
On fait le sirop
Pendant ce temps on prépare le sirop car il doit avoir le temps de refroidir. On met l’eau, le sucre et un morceau de zeste du citron épluché sans prendre la peau blanche. On fait bouillir jusqu’à ce que le sucre soit dissout. On retire du feu et on ajoute tout de suite le rhum. La chaleur va faire évaporer l'alcool, il ne restera que le parfum. On laisse refroidir. Quand ce sera froid, on enlèvera le zeste.
On laisse faire la deuxième fermentation dans le moule
Après la première fermentation de la pâte, on beurre le moule. On fait retomber la pâte avec la main, et on la transfère dans le moule par portions, en égalisant la surface autant qu'on le peut. Elle doit arriver à peine au tiers de la hauteur. On couvre d’un torchon et on laisse reposer bien à l'abri des courants d'air jusqu’à ce que la pâte atteigne le bord du moule (environ 2 heures selon la température ambiante). On allume le four à 200°C.
On cuit et on imbibe dans la foulée
On fait cuire le baba dans le bas du four, pendant 30 min environ. Il doit être doré et sonner creux quand on le tapote. On le démoule dans un plat creux. (Important, le plat creux ! ) Et tout de suite, dès la sortie du four, tandis que le baba est chaud, on verse le sirop à l’aide d’une louche, en le répartissant sur toute la couronne. Le sirop va dans un premier temps retomber dans le plat, puis il va remonter par capillarité et va finir par être totalement absorbé ou presque.
On laisse le baba s’imbiber de sirop toute la nuit, à température ambiante. Le lendemain, il n'en restera qu'une toute petite quantité dans le fond du plat, et le baba aura encore augmenté de volume, comme une éponge ! La quantité de sirop que j'indique correspond exactement à la taille du gâteau, n'en faites surtout pas moins !
Si le baba est refroidi, il faut verser le sirop bouillant dessus afin qu'il soit bien absorbé : rappelez vous cette règle, baba chaud, sirop froid, baba froid, sirop chaud. (Vous me la réciterez la prochaine fois).
On déguste
Pour servir, on garnit le centre au choix de crème chantilly ou pâtissière, (personnellement je préfère la chantilly, je trouve cela plus léger) ou de fruits frais découpés en morceaux (fraises, ananas, abricots, pêches...). On décore selon sa fantaisie, soit avec des pics de crème ou des morceaux de fruits.
J'en connais qui rajoutent quelques cuillerées de rhum sur leur part dans l'assiette, mais je tairai les noms