Le Trésor Belge, à découvrir absolument !
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Les belges sont des gens formidables et pas tout à fait comme tout le monde : ils vont pêcher les crevettes à cheval, si, si, font de la bière champagnisée, et en plus ils ont l'excellente idée d'ouvrir un restaurant en plein milieu du Val de Loire.
Dans un joli petit village du Saumurois, le genre d'endroit où l'on ne peut arriver par hasard — ou alors c'est que le hasard fait très bien les choses — le Trésor Belge est à Pouancay, à 15 minutes de Saumur, 3 h 30 de Paris et 6 h 30 de Bruxelles. Pour moi, c'est une aubaine, Paris et Bruxelles sont beaucoup trop loin pour simplement aller y dîner d'un waterzoi, d'une carbonade ou de moules à la bière.
Nous avons fait dans ce restaurant un repas exquis et mémorable. Cela fut un coup de coeur, aussi, pardonnez-moi si je je suis un brin lyrique.
André Willemsen est aux fourneaux, et Marck De Cock en salle. Ce dernier vint nous accueillir avec une chaleureuse poignée de mains, nous l'avons pris au départ pour le chef, mais il a rectifié bien vite cette regretable méprise en affirmant qu'il était en réalité l'esclave... L'accueil de ces deux messieurs est d'une gentillesse et d'une chaleur inouïes : on se croit des amis de la famille. Beaucoup de jovialité, d'humour et de simplicité. De quoi vous mettre de bonne humeur pour plusieurs jours d'affilée, croyez-moi, si vous avez des soucis, courez à cette adresse ! On sort de là réconcilié avec tout, avec le monde, avec les hommes, avec les bêtes, avec la vie. Même avec les insectes et les mauvaises herbes du jardin.
Mark De Cock nous a présenté son jardin secret. Au loin on distingue la serre où poussent toutes les herbes aromatiques utilisées en cuisine.
J'ajoute qu'en deux heures de temps j'ai appris plus de choses sur la Belgique, sa cuisine, ses bières, ses traditions, son histoire, que pendant des années. Et pourtant.
Mais venons-en aux choses sérieuses, c'est à dire aux assiettes ! En Belgique comme en France, on ne rigole pas avec ça.
On débute avec des croquettes aux crevettes grises, un rêve de croquettes fondantes à cœur et à la panure fine et croustillante. Mark nous explique qu'il faut fendre la croquette dans la longueur pour pouvoir glisser à l'intérieur quelques gouttes de jus de citron, afin que la croûte reste croquante malgré cet ajout. Et aussi, a-t-il ajouté, à Bruxelles les gens font cela pour vérifier que le restaurateur n'est pas avare en crevettes grises. Question générosité, pas de problème, les crevettes débordaient même jusque dans la petite salade. Ce plat a l'air simple en apparence mais est très long à préparer. Déjà, le décorticage des crevettes demande un temps infini, ensuite il faut récupérer les carapaces pour en faire un bouillon qui doit réduire de longues heures durant... ce bouilon servira à préparer l'appareil à croquettes. Merci, André, de le faire pour nous, et de manière si délicieuse.
La succulence de ce cabillaud à l'Ostendaise renvoie dans l'ombre toutes les soles normandes honteusement faussaires (en aparté, je me demande d'ailleurs si l'inventeur de la sole Normande, le chef Langlais du Rocher de Cancale n'était pas belge, par hasard). Le poisson est cuit à la perfection, la garniture de champignons, moules et crevettes est parfaite de fraîcheur, la sauce à la crème et à la bière Moinette est savoureuse. C'est accompagné de croquettes de pommes de terre pas grasses pour un sou. L'assiette est copieuse, et c'est tant mieux quand c'est bon !
Qui peut résister à cette assiette de fromages belges provenant de chez Catharinadal, fromager affineur à Achel dans le Limbourg ? Pas nous en tout cas, mais faute de faim suffisante, et en prévision du dessert, nous avons partagé à deux cette assiette prévue pour un seul convive. Oui, je vous disais que c'est généreux. Le fromage où est planté le drapeau est un bleu de Grevenbroecker, magnifique découverte, à la fois corsé et très crémeux.
Les différents fromages, de textures variées, tous parfaitement affinés, et tous au lait cru, sont accompagnés d'une cuillerée de sirop de Vrolingen, un concentré de jus de poires et de pommes, sans rien d'autre ajouté, même pas du sucre, presque jusqu'à caramélisation. Ceux qui connaissent le sirop de Liège à napper sur les gaufres vont l'abandonner complètement tellement ils seront époustouflés par la saveur de cette gourmandise. Il faut au moins 100 litres de jus de fruits pour faire un litre de sirop de Vrolingen. Le sirop de Liège est industrielet comporte de la gélatine*. Là, c'est la pectine naturelle des fruits et la concentration extrême qui rend le produit onctueux et épais comme une gelée. Composition : jus de poires et de pommes. Point final. On peut en acheter en petits pots à la boutique du restaurant, ce que je me suis empressée de faire.
*Bonne nouvelle : mes lecteurs m'ont écrit pour me dite qu'il existe des producteurs artisanaux de sirop de Liège, pour plus de détails, lisez les commentaires liés à ce billet.
Au dessert, un gâteau Mazarin. C'est une spécialité de la ville de Poperinge. Un genre de baba, mais sans rhum, il est imbibé d'un sirop à la cannelle, et de beurre salé, servi tout chaud, caramélisé, avec une glace à la vanille, une tuile dentelle de Bruges et des mirabelles acidulées du jardin de Mark et André, ils les mettent en bocaux eux-mêmes. Les belges ne sont pas rancuniers, de donner à un vrai délice le nom de Mazarin, qui a poussé Louis XIV à conquérir la Flandre aux Espagnols dans une guerre qui fut quand même très violente et meurtrière. Mais comme ce dessert est une véritable tuerie, on se dit qu'il y a comme un jeu de mots qui a traversé l'histoire pour notre bonheur...
Et avec cela, on boit quoi, en Val de Loire ? De la bière, bien sûr ! On se laisse conseiller par Mark, qui connaît parfaitement sa cave bien garnie. La carte doit comporter au moins 60 sortes de bières différentes. Il vous proposera une bière adaptée à la fois à vos goûts et au repas. J'ai découvert deux merveilles de finesse. Légère en alcool, mais riche en arômes, la première, pour l'apéritif et l'entrée, la Rulles estivale, très désaltérante, a une douce amertume, une gentille fraîcheur, de la clarté, de l'innocence, les arômes de houblon sont bien présents. La seconde, une bière d'Abbaye, la Karmeliet Triple, est à la fois moins amère et plus corsée, un peu plus sucrée, aux saveurs d'agrumes, parfaite sur le poisson et le fromage. J'ai appris aussi qu'il existait des bières champagnisées dont on manipule les bouteilles après la seconde fermentation comme celles du champagne, et que cela se fait dans les caves de champagne à Reims.
Mais ceux qui préfèrent accompagner leur repas avec du vin trouveront leur bonheur dans la belle carte des vins de Loire ou d'ailleurs.
Nous avons pris le café dehors. À la belle saison, on déjeune sur la terrasse. Oui c'est bien un cornet de frites géant qui décore les allées du jardin. Il faut savoir ne pas se prendre au sérieux !
Ce repas, avec 2 bières différentes, de l'eau minérale et un café, a coûté 61 euros par personne. Il n'y a que 16 couverts, donc je vous conseille de téléphoner avant de venir.
Ouvert tous les jours, sauf lundi et mardi
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