La Mare aux Oiseaux : même le chef a des ailes
Il existe en Bretagne un coin de paradis niché dans la verdure au fond du parc naturel de la Grand Brière.
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C'est un jardin extraordinaire fleuri, entouré d'eau, planté de bambous, d'hortensias, de statues, de volières, de petites maisons sur pilotis, habité de toutes sortes de volatiles : hérons, canards, colombes, coqs et poules aux plumes de soie entourées d’une ribambelle de petites boules de duvet sur pattes. Et peut-être aussi quelques anges viennent-ils battre des ailes dans cet endroit béni.
Ce jardin entoure une auberge au toit de chaume, grande ouverte sur le chant des oiseaux par des baies de verre et de métal. On ne sait pas si l’on est dehors ou dedans. On est dans un autre monde.
Même dans la salle du restaurant, il y a des oiseaux qui ponctuent le temps d'un petit chant tout léger. Mais le temps, lui, n'écoute pas : il s'arrête.
Une auberge où l'on découvre des mets un peu magiques, un brin déroutants pour qui a besoin de trop de repères, des mets rêvés par Eric Guérin, un jeune chef aux mains ailées.
On y déguste des plats inspirés autant par la nature environnante que par les voyages au long cours .
C’est vrai qu’on est là au bord du monde. Dans ce marais aux terres étranges battues de vents et d’eau. Entre la mer et la terre qui se mélangent, le vent caressant les roseaux et l’eau reflétant le ciel.
On voyage de la Bretagne vers l'Asie ou l'Afrique, sur les grandes voiles des trois mâts, les ailes des oiseaux migrateurs, ou simplement sur le vent, sur l’écaille argentée d’un poisson, la feuille tremblante d’une herbe.
Un lapin est pris au piège dans une cage de verre et s'allonge sur des coussins dorés.
Point d'amuse bouche improbable pour l'apéritif, mais une brioche parfumée, différente chaque jour et un petit pot de rillettes de lapin. Ce jour-là, la brioche était au chou-fleur et à l'abricot.
Une daurade cueille des haricots verts un par un pour en faire un bouquet de sushi, qu’elle pose sur une marée noire à l’encre de seiche.
Ici ce sont ses sushis à la daurade et haricots verts, des câprons, des cookies aux algues, une sauce à l'encre de seiche.
Une sardine tombe amoureuse d’un canard, ils font leur nid dans les algues. Un maigre (c’est un poisson) qui a la nostalgie de Marrakech, invite son copain l’agneau sous un crumble de petit Lu. Et une chèvre va se rouler avec délectation dans un champ de verveine…
Du sandre, un pesto de menthe fraîche, une courgette marinée, fleur de bourrache et un petit flan de courgette. Des saveurs vertes et fraîches.
On ne mange pas idiot, les plats nous racontent une histoire, des voyages, des métissages, des compositions insolites et un brin impertinentes. Des clins d’œil de soleil ou de terre brûlée sous le grand ciel de la Bretagne. Des saveurs gaies et très fraîches, des assemblages colorés et ludiques.
Le rouleau est une fine gelée de tomate. A l'intérieur se cache un tartare de poulpe et petits pois frais, la sauce c'est du chèvre parfumé à la verveine.
On se dit que le chef s'amuse en cuisine et qu’il refuse obstinément la morosité ambiante. C’est un chef taquin, semble-t-il.
On l'entrevoit l'espace d'un instant longer la terrasse pour aller cueillir trois fleurs de bourrache dans le jardin et disparaître à nouveau dans la cuisine. Une seconde après, les fleurs bleues sont là sur l’assiette pour vous titiller la papille entre le vert de la courgette et la nacre du poisson. (La fleur de bourrache a un goût iodé, qui ressemble au concombre).
Un pigeon cuit à basse température qui fond dans la bouche, des pommes de terre de Noirmoutier au sésame, une tombée de roquette et petits haricots verts, et un de ces jus de cuisson ...
Côté vins, laissons le sommelier nous guider pour des accords parfaits, la carte est étonnante, remplie de belles surprises, de vins atypiques, de découvertes.
Le service issu d'un casting hollywoodien est gentil, jeune, de
bonne humeur. C’est une maison où l’on se sent bien. Les chambres sont
confortables, bien tranquilles et joliment décorées. On est loin de
tout, loin du monde, loin des soucis.
Et pour couronner le tout : le rapport qualité-prix est d’une rare justesse.
Mais on voit rouge avec le Guide rouge qui retire son étoile à cette délicieuse maison. Que s'est-il passé ? L’inspecteur a -t-il été énervé par les coqs ? A-t-il trouvé une plume dans son gaspacho de homard ? A-t-il craint la grippe aviaire ? Un peu triste quand même.
En réaction, Eric Guérin s'est amusé à mettre sur la carte des spaghettis bolognaise, un pavé de bœuf avec frites, ketchup et béarnaise, une tomate mozza et même une galette de sarrasin... clin d'œil, clin d'œil... quand je vous disais qu'il était taquin...
162, Île de Fedrun
44720 Saint Joachim
Tél. 02 40 88 53 01